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Jaku-Chara Tomozaki-kun - C1 - Dites ce que vous voulez, les jeux célèbres sontgénéralement amusants

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C’était évident de savoir qui était le meilleur.

Tout le monde pouvait le voir en regardant les mouvements de mon ninja, Found, et du
renard de Nakamura, Foxy. Ok, je suppose qu’il n’était pas terrible pour un normie. On
disait qu’il avait gagné des tonnes de paris avec Atafami — le jeu auquel nous jouions —
mais maintenant son vrai niveau était évident. Je savais que j’allais gagner dès que la
partie avait commencé.

Pourtant, je ne suis pas du genre à me retenir lorsqu’il s’agit d’Atafami. Cela n’avait pas
d’importance que Nakamura n’ait plus qu’une seule vie. Mon plan était de le déstabiliser
en faisant semblant de foncer sur lui comme un fou, puis de faire un « wavedash ». Je me
disais qu’à son niveau, il ne savait probablement pas ce qu’était le wavedashing, une
technique avancée réalisée en sautant à cloche-pied, puis en effectuant immédiatement
une esquive aérienne directionnelle en diagonale vers le sol pour glisser sur une courte
distance. Avec une bonne exécution, la technique complète se fait en moins d’une
seconde.

Nakamura comprit ma feinte essaya de me frapper. J’esquivai en faisant un signe de main
vers l’arrière et je saisis l’occasion pour m’approcher. Dans ce jeu, les projections sont la
base des combos. Il s’agit de savoir combien de combos vous pouvez accumuler après
avoir commencé par une projection. Mon personnage, Found, est très bon à ça.

Found attrapa le personnage de Nakamura. Après ça, la partie était à moi. Une fois après
l’autre, je le frappais avec des combos qui semblaient faciles mais qui, en fait,
nécessitaient des manœuvres délicates. Ce n’est pas qu’il n’y avait aucun moyen de s’en
sortir, mais il ne savait pas comment. Naturellement, c’était fini.

Nakamura n’avait plus de vies.

« Très bien, alors. »

Eh bien, j’ai gagné. Non pas qu’il y avait une chance que je perde contre un amateur
d’Atafami, mais j’ai été surpris par la facilité avec laquelle ça s’était passé. Ce qui allait se
passer était la chose qui m’inquiétait.

Chaque joueur commence avec quatre vie. Vous vous affrontez sur une arène plate, sans
gadgets, avec quelqu’un contre qui vous n’avez jamais joué.

C’était les règles. Elles étaient justes, et maintenant, Nakamura n’avait plus aucune vies.
Moi ? J’en avais quatre. Donc ouais, je l’ai démoli.

Quand je le regardai, je pouvais voir qu’il voulait dire quelque chose. Il n’arrêtait pas de
faire des allers-retours entre mon visage et la manette que j’avais dans la main, je pouvais
voir l’ombre d’un complexe d’infériorité dans ses yeux. C’était assez surprenant en fait.
Pendant une journée de lycée normale, Nakamura ne m’aurait jamais regardé avec cette
faiblesse dans les yeux. Je ne m’attendais pas à ça.

Il était beau, avec des cheveux teints en bruns. On pouvait dire au premier coup d’œil qu’il
était l’un de ces gens bons dans la vraie vie — premier de la classe, athlète aguerri, avec
des filles partout autour de lui, il était même bon aux jeux vidéos. Un opérateur sans
failles, la tête et les épaules au-dessus de tous ceux qui l’entourent.

Vous avez le confiant Nakamura, normie extraordinaire, qui me regardait comme un chiot
battu. Il me regardait moi — le geek extrême, au visage impassible.

« … choisi le mauvais… » Nakamura disait quelque chose.

« Hein ? »

« J’ai juste choisi le mauvais personnage. »

« … Quoi ? »

« J’avais pas le bon personnage. C’est pour ça que j’ai perdu. »

« Um, n-non, ces deux personnages sont de même rang… »

« Ce n’est pas ça — c’est à propos du matchup. C’était juste pas le bon personnage à
jouer contre le tien, » essaya-t-il de me dire froidement.

J’étais abasourdi. Ce n’était qu’une excuse, quelle que soit la manière dont on tournait sa
phrase.

Puis je compris ce qu’il se passait. Son refus obstiné d’accepter la défaite avec grâce
montrait à quel point il me méprisait. Perdre contre moi était si humiliant que ce spectacle
était le seul moyen pour lui de conserver sa fierté. Il ne s’était même pas donné la peine
de trouver une bonne excuse. Mon infériorité était une évidence pour lui. Ce genre
d’injustice est banal quand on est au plus bas rang dans la vie.

Sauf dans des moments comme celui-ci.

Pour ces moments où j’étais assis en face d’Atafami, les choses étaient différentes.

« A-actuellement, Foxy tombe vite, donc je dois dire que c’est plus facile de faire des
combos avec lui. »

« Je suppose. C’est une question de matchups avec ce jeu. »

Je pris une inspiration et regardai Nakamura droit dans les yeux. J’étais effrayé. Mais …

« … C’est juste une excuse. » Je me suis tellement habitué à ce que les gens me
regardent de haut que ça ne me dérange pas tant que ça.

« Écoute, j’ai totalement raison, mais tu es tellement heureux parc’que tu as gagné à ce
jeu de merde. C’est tellement stupide. »

Ça, par contre, je ne m’y habituerais jamais. Je ne supporte pas que quelqu’un se fasse
piétiner et prétende ensuite qu’il n’a même pas essayé.

« Oui, je suis heureux, et tu penses que c’est stupide seulement parce que tu as perdu. Tu
n’as jamais vécu la victoire, alors que je ne m’attendais pas à ce que tu comprennes. Je
comprendrais si tu gagnais et qu’ensuite tu disais que c’était stupide, mais tu as perdu, et
maintenant tu as l’air d’un mauvais perdant. »

En ce qui me concerne, nous étions sur le champ de bataille d’Atafami, et les mots étaient
mes munitions.

« Hein ? Il s’agit de savoir quels personnages sont meilleurs contre les autres. Bon sang,
ce jeu est nul. Qu’on gagne ou qu’on perde, c’est de la merde. »

« La matchup ne peut pas expliquer à quel point j’étais meilleur. Tu as perdu parce que tu
es un joueur faible. Je gagnerais même si on échangeait nos personnages. »

« …Bien. Changeons de personnage. Je peux te promettre que je ne perdrai plus contre
toi. »

Ses yeux s’illuminèrent d’un esprit combatif. Seuls les personnages au sommet de la
hiérarchie ont ce genre de confiance sans fondement. Le courage — ou devrais-je dire —
la stupidité d’insister sur le fait qu’ils ne perdront jamais, même dans cette situation. Les
personnages en bas de l’échelle comme moi n’ont pas ce privilège. On n’a pas la force
d’agir comme si on avait raison alors qu’on a tort — la confiance de penser, Bien sûr que
ça va marcher. Je suis moi. Il nous manque cette puissance animale.

En fait, c’est le contraire — même si je venais de l’écraser, je me sentais toujours un peu
mal à l’aise pour une raison quelconque.

Mais pendant ce moment, je n’étais pas en bas de l’échelle.

« …En fait, ça va être ennuyeux, » dis-je.

« Allez. Si tu es si sûr de toi, joue encore contre moi. »

« C’est pas ça. Je ne veux pas avoir à écouter tes excuses débiles après t’avoir battu. »

« Hein ? »

Quand je joue à Atafami, je suis un monstre. « Bien. Mais on, doit aussi échanger nos
manettes. Je ne veux pas t’entendre dire que les boutons ne fonctionnent pas. Oh, et on
devrait probablement échanger nos sièges, parce que tu vas sans doute dite quelque
chose à propos de l’éblouissement de l’écran. Commençons avec huit vies aussi. Les
longues batailles sont là où ta force se montre vraiment, non ? Quoi d’autre ? Et si on
interdisait les combos dont l’adversaire ne peut se défaire sans savoir comment ? Parce
que c’est vraiment une question de connaissances plus que de compétences, non ? Ça

devrait en faire une pure compétition d’adresse, de réflexes et de capacités de décision.
J’ai oublié quelque chose ? … Oh, on devrait échanger nos vêtements ? »

Ha-ha-ha. Eh bien, je lui ai dit. Mec, j’allais le regretter plus tard.

« …Euh, non, on ne devrait pas. Ne sois pas con mec. Sérieusement. »

Il me lançait un regard méchant. Quand quelqu’un me regarde comme ça, je ne peux
m’empêcher de réagir comme une proie qui rencontre un animal plus haut dans la chaîne
alimentaire, et très vite, je me sens tellement inférieur que j’ai envie de m’excuser. Même
si dans ce cas, la véracité de mes propos ne faisait aucun doute. Ce sont les règles de la
vie.

Nakamura et moi avions échangé nos places, nos manettes, nos personnages, chacun
avait huit vies, nous n’avions pas échangé nos vêtements, et nous étions à une pression
du bouton de démarrage de la bataille.

« Si je gagne, tu dois le dire Nakamura. »

« Je sais ça. »

« Je ne pense pas que tu le saches. »

« …Non, je le pense. Je dirai que tu es meilleur. »

« Non, je veux dire … bien sûr que oui, mais il y a une autre chose que tu dois
reconnaître. »

« Quoi ? »

Il n’avait juste pas compris.

« Plus tôt, tu as dit qu’Atafami était un jeu de merde, non ? »

« Hein ? »

J’étais en fait plus énervé pas ça que par le fait qu’il ne voulait pas admettre sa défaite.

« … Tu dois dire qu’Atafami est de classe mondiale. »

Bien évidemment, je lui ai enlevé ses huit vies.

* * *

nanashi : gg

Koki : good game

Le lendemain, je jouais des matchs en ligne dans Attack Families — que tout le monde
appelle Atafami. Comme les joueurs peuvent discuter entre eux en ligne, il est considéré
comme poli d’échanger quelques mots après la partie. Bien sûr, je venais de gagner.

Mon taux de victoire était en constante augmentation. Après la remise à zéro du
classement quatre mois plus tôt, j’avais atteint la première place du Japon en quelque
semaines seulement et j’y étais resté sans réelle menace depuis. Mon pseudo de jeu est
nanashi, ce qui signifie sans-nom. Je l’ai choisi parce que j’étais gêné de me donner un
nom, et puis « sans-nom » sonnait bien. Aucun rapport avec mon vrai nom Fumiya
Tomozaki.

Avant que les classements soient réinitialisés, je dois admettre que je baissais dans le
classement à quelques reprises, mais j’étais presque toujours dans le haut de ce-dernier.
Il serait probablement exact de dire que je n’ai pas de réelle concurrence au Japon.

Atafami compte plus de joueurs que tout autre JcJ en ligne, grâce à sa qualité
exceptionnellement élevée. En fait, si je suis le meilleur joueur de ce jeu, je pourrais aussi
bien dire que je suis le meilleur joueur du Japon. Peut-être.

Il n’y a qu’un seul autre joueur d’Atafami auquel je prête attention, en partie à cause de
son pseudo : NO NAME. Il ne m’a jamais vraiment volé ma place de numéro un, mais
depuis quelque mois, il est juste derrière moi, à la deuxième place. Pendant tout ce temps,
pour autant que je sache, personne ne lui a volé sa place non plus. En d’autres termes,
nanashi et NO NAME ont monopolisé les deux premières places.

En partie à cause de la proximité de nos noms, une rumeur fausse, mais plausible a
circulé dans la communauté des jeux en ligne selon laquelle les deux comptes
appartiennent à la même personne.

En tant que nanashi, je peux vous l’assurer dès maintenant. Nanashi et NO NAME sont
deux personnes totalement différentes.

Pourtant, il existe des preuves circonstancielles à l’appui de cette théorie : le fait que NO
NAME soit apparu dans le monde d’Atafami il y a quelques mois seulement, le fait qu’il se
soit hissé à la deuxième place à une vitesse impossible pour quelqu’un de si nouveau, et
surtout, le fait que nanashi et NO NAME ne se soient jamais affrontés. Après tout, nous
utilisons tous les deux Found, et nous semblons avoir des styles de jeu similaires. NO
NAME a probablement appris en regardant des vidéos de moi dans les archives du jeu.

Nanashi : gg

Yukichi : gg. Tu es super bon !

Nanashi : Merci. Salut.

Une fois de plus, j’avais gagné et quitté le match. Bien sûr, je perds encore de temps en
temps, mais ces derniers temps, même cela a commencé à prendre l’aspect d’un combat
contre moi-même. Je ne perds jamais à cause des compétences de mon adversaire —
c’est presque toujours à cause d’une erreur de ma part. C’est pourquoi, même en étant
numéro un, cela vaut la peine de faire des efforts. Je peux encore dire que j’ai une marge
de progression.

Je venais juste de penser que mon prochain objectif devait être de réduire les erreurs
pendant les combats lorsque je jetai un coup d’œil au nom écrit dans la case Prochain
Opposant, et mon souffle s’arrêta dans ma gorge.

NO NAME Classement : 2561

Je pouvais sentir mon pouls à travers ma tête.

Pour la première fois depuis des lustres, j’avais envie d’un bon combat. Je pouvais sentir
ma prise sur la manette se resserrer.

Le jeu commença, et tout de suite, je fus surpris. Je pensais que NO NAME copiait mon
style de jeu, mais ses premiers mouvement me montrèrent que j’avais totalement tort.

Je chargeai mon ennemi, préparant déjà mon combo. Mais NO NAME était en état d’alerte
et préparait une attaque à projectile.

C’est la seule chose qui, selon moi, pouvait me désavantager dans un match miroir entre
deux Found.

De plus, ce n’était pas une coïncidence. Je n’avais aucune preuve, mais l’idée me vint tout
de même à l’esprit.

Pour une raison quelconque, je pouvais dire qu’il m’avait étudié mais qu’il ne se contentait
pas de copier mon style. Il était allé jusqu’à développer sa propre contre-stratégie.

Ce qui était encore plus surprenant, c’était la précision inégalée des coups de NO NAME
et sa capacité écrasante à se sortir des combos. La moindre hésitation de ma part et il se
libérait instantanément.

J’avais toujours le meilleur jeu neutre, et j’étais meilleur pour sortir des combos flashy,
mais honnêtement, rien qu’en termes d’évasion, il me dépassait déjà.

Je dois admettre que je ne suis pas très bon à ça. La raison étant que je suis trop bon
pour me faire attraper très souvent. C’est l’un de mes rares points faibles.

En gros, ne vous faites pas comboer pour commencer, et vous n’aurez jamais besoin de
vous échapper.

C’est mon approche pour tous mes coups. Ce qui veut dire que dès que NO NAME
atteindra mon niveau en termes de jeu neutre et de potentiel de combo, je perdrai parce
que je ne suis pas très doué pour m’échapper.

Et je serais prêt à parier que NO NAME vise déjà son objectif.

Comment puis-je le savoir ? C’est simple.

Vu le niveau général de NO NAME, il est bien trop fort pour sortir des combos.

Quelqu’un d’aussi doué ne se retrouve pas assez souvent dans des combos pour
s’entraîner à s’en sortir. C’est pourquoi la plupart des meilleurs joueurs — moi y compris
— sont excellents en attaque et pas si bons en défense.

Mais ce NO NAME … il a beaucoup trop d’expérience en défense pour le numéro deux du
Japon. Il a dû en faire sa force.

Ce qui veut dire que NO NAME a eu beaucoup d’occasions d’entrer dans des combos —
pour être précis, ils ont mis un point d’honneur à se faire prendre régulièrement pour
s’entraîner.

NO NAME a donc sacrifié la gratification immédiate des taux de victoire et l’excitation de
bien jouer en échange d’une compétence éventuelle et d’une position à long terme. Il
donne la priorité à leur capacité dans plusieurs mois, même si cela signifie être
désavantagé dans le jeu auquel il joue actuellement, laisser les taux de victoires chuter et
voir son classement et sa réputation en souffrir.

Certaines personnes pourraient dire qu’il descend délibérément dans le classement pour
se mesurer à des joueurs plus faibles, mais ils auraient tort. C’est un entraînement correct
et approprié.

En tout cas, je ne connais aucun autre joueur ayant échangé une gratification instantanée
contre des résultats aussi clairs et complets.

NO NAME. Je pensais que je serais toujours le meilleur joueur du Japon, mais je n’en suis
plus aussi sûr. Tout ce que je peux dire, c’est ceci : Si un joueur d’Atafami au Japon doit
me passer devant, ce sera cette personne.

Telles étaient les pensées qui me traversaient l’esprit alors que nous nous affrontions à
nos niveaux de compétences actuels, et j’ai gagné avec deux vies d’avances.

nanashi : gg

C’était le moment de l’habituel échange de politesses. J’avais prévu de me retirer dès que
mon adversaire allait donner la réponse par défaut…

NO NAME : Tu vis dans la région de Kanto ?

Hein ? Il se demande où j’habite ? Qu’est-ce qu’il fabrique ?

nanashi : Ouais… ?

NO NAME : Tu veux qu’on se rencontre ?

nanashi : Tu veux dire IRL ?

NO NAME : Oui. Si tu es d’accord, j’aimerais discuter et faire une revanche.

Une invitation à se rencontrer hors ligne. Probablement en tête-à-tête. Est-ce que je lis
bien ?

Que dois-je faire ? Il est vrai qu’il est de plus en plus facile de rencontrer des personnes
sur Internet et, honnêtement, ce n’est pas si dangereux. Étant donné que nous sommes
déjà liés par notre statut de deux meilleurs joueurs d’Atafami, se rencontrer pourrait être
intéressant. Alors …

nanashi : Ok, c’est parti.

NO NAME : Merci ! Quelle est la gare la plus proche de chez toi ? C’est moi qui ai pris
l’initiative, alors je vais venir vers chez toi.

nanashi : Oh, d’accord, c’est …

Je donnai le nom d’une gare, et nous avions prévu de nous rencontrer. Ce n’était pas
vraiment la plus proche de chez moi, mais la gare principale avec un arrêt. Je me suis dit
que ça serait plus pratique pour lui.

NO NAME : Pigé ! Donc je te verrais samedi prochain à 14 heures. J’ai hâte d’y être !

Et c’est ainsi que, juste après notre match attendu, NO NAME et moi avions convenu de
nous rencontrer hors ligne comme si de rien n’était.

* * *

Après avoir joué contre Nakamura le samedi et NO NAME le dimanche, le lundi arriva, et
la salle de classe 2 de deuxième année était plus ordinaire que je ne l’avais prévu. Je
m’étais préparé à découvrir que ma place dans la hiérarchie avait encore baissé grâce à
Nakamura, alors je me sentais un peu dégonflé, mais surtout soulagé.

Nakamura avait la réputation d’être le meilleur joueur du collège (et probablement du lycée
aussi), et j’étais connu pour mes compétences inhabituelles, mais le match entre nous
n’avait pas vraiment été une nouvelle bouleversante. Pourtant, la rumeur courait dans la
classe que ce serait la chose la plus intéressante de ces dernières semaines. Je
supposais que la raison pour laquelle personne n’en parlait maintenant, malgré
l’accumulation, était qu’ils avaient deviné ce qui s’était passé et qu’ils ne prêtaient pas
attention à ce point sensible. Eh bien, c’était le résultat le plus paisible que je pouvais
espérer.

Mes jours de solitude passaient comme toujours. Rien d’excitant n’arrivait, mais je n’étais
pas particulièrement malheureux. Comme le dit le dicton, « Si ce n’est pas cassé, ne le
répare pas. » C’était ma vie et ça me convenait.

C’était la situation générale jusqu’à ce qu’un évènement mineur se produise le mercredi
après-midi.

Je marchais dans le couloir en allant déjeuner tout seul, quand je suis tombé sur
Nakamura. En temps normal, nous nous serions ignorés, mais cette fois, c’était différent. Il
y avait une fille avec Nakamura : Aoi Hinami.

Aoi Hinami était la fille japonaise idéale, belle et talentueuse, mais aussi un peu innocente.
L’héroïne incontestablement parfaite, populaire auprès des garçons et des filles. Bien sûr,
elle était première de la classe sur le plan scolaire, mais elle était aussi bien meilleure que

toutes les autres filles pour les sprints, les lancers et le reste des activités d’EPS. Et pas
seulement les filles — elle était au coude à coude avec les meilleurs garçons aussi,
comme une sorte de personnage qui brise le jeu. Elle portait un maquillage agréable et
naturel et avait un sourire amical, et il y avait quelque chose en elle qu’il était impossible
de détester. Je ne sais pas si je dois la qualifier de simple d’esprit, de sincère ou d’idiote,
mais cette petite faiblesse a mis un point final à son identité de fille parfaite. Certes, son
charme était un peu sexy aussi. Comment elle faisait tout fonctionner était hors d’atteinte
pour moi. Je suis nul dans la vraie vie, et même moi, je ne pouvais m’empêcher de l’aimer.
Ou peut-être devrais-je dire que j’étais en admiration devant elle.

Je n’ai aucune idée de ce qu’elle fait au lycée Sekitomo. C’est peut-être l’une des
meilleures écoles privées de la préfecture de Saitama, mais c’est toujours Saitama, et
comparé aux écoles préparatoires de Tokyo, nous sommes au milieu d’un tas de rizière. A
quelques kilomètres d’une gare de Saitama, vous vous retrouvez généralement au milieu
de nulle part.

Je me souviens avoir surpris une conversation en classe une fois, alors que j’étais assis
derrière deux personnes. Ils n’étaient pas vraiment cool ou pas cool, mais ils étaient
définitivement plus cool que moi.

« Alors, que penses-tu d’Aoi-chan ? » demanda l’un d’entre eux.

« Tu veux dire Aoi Hinami ? » répondit l’autre.

« Ouais. »

« Ce que j’en pense ? Je veux dire, elle est géniale. Tout le monde ne pense pas ça ?
C’est une superstar. »

« Ouais. »

« Elle est, comme, un prodige. L’école, le sport, le look … tout est parfait chez elle. ‘Génie’
est encore un euphémisme. »

« C’est vrai. Je sais que je ne pourrais jamais la battre à quoi que ce soit. Toi non plus. »

« Mais elle s’entend toujours très bien avec tout le monde, c’est ça qui est bizarre. Si tu
me demandais avec quelle fille je m’entends le mieux, je dirais Aoi Hinami. »

« … Moi aussi. Je suis plus proche d’elle que de toutes les autres. »

« Pas vrai ? C’est étrange. Elle n’a rien à gagner à être amie avec nous, mais elle ne le
choisit pas. Elle n’utilise pas les gens, je ne pense pas. »

« Qu’est-ce que c’est alors ? Je suppose qu’on peut dire qu’elle est une génie de la
vie… »

« C’est la meilleure façon de le dire. Ce n’est pas une génie du baseball, ou un inventrice
de génie ou quoi que ce soit — c’est une génie de la vie. Une déesse. »

« J’aimerais pouvoir remercier ses parents de l’avoir inscrite à ce lycée. »

« Pas vrai ? La seule chose qui est mieux à Saikawa qu’à Tokyo, c’est qu’on a Aoi
Hinami. »

En écoutant leur conversation, je pensai, Qu’est-ce que ça dit de moi, alors ? Je ne peux
même pas devenir ami avec Aoi Hinami — je ne lui ai jamais parlé ! Peut-être que je suis
mon propre genre de génie.

Je me disais aussi qu’ils devraient arrêter de parler de Tokyo tout le temps et de se
concentrer sur la victoire de Kanagawa d’abord. Ou peut-être Chiba. On ne perdait jamais
contre Chiba.

Bref, Aoi Hinami était là dans le hall avec Nakamura. Bien sûr, elle devait savoir que
Nakamura et moi avions joué l’un contre l’autre, et cette connaissance était la poudre à
canon de notre petite explosion.

« Oh, Tomozaki-kun ! J’ai entendu dire que t’as joué contre Shuji dans Atafami ! Comment
c’était ? »

« Um, uh, salut, Hinami-san, uh, c’était chien. »

J’étais entrain de bégayer. J’ai même dit chien au lieu de bien. Je ne vais pas blâmer mon
statut de super-geek, je parie que même un geek occasionnel aurait bégayé avec Aoi
Hinami.

« Ha-ha-ha, ‘chien’ ? De quoi tu parles ?! »

Elle se moquait visiblement de moi, mais bizarrement, je n’en avais pas l’impression. Peut-
être était-ce l’innocence de son sourire, ou le beau son de son rire, ou peut-être était-ce la
façon dont elle se couvrait gracieusement la bouche avec sa main. Tout ce que je
ressentais était le bonheur d’avoir fait rire Aoi Hinami-san. Mais qu’est-ce qui se passe ?
Son sourire était ensorcelé ou quelque chose comme ça.

« Ha-ha-ha, j’ai apprécié ça ! Oh oui, j’ai presque oublié de demander ! Qui a gagné ? »

Apprécié ? Elle a apprécié ! Y a-t-il quelque chose de plus merveilleux que de voir Aoi
Hinami-san apprécier ce que j’ai fait ?

Elle était une sorte de sainte avec le pouvoir de mettre ces pensées dans ma tête. Qu’est-
ce que c’était ?

« Uh, um… »

« Ouais ? »

Mais Nakamura était juste à côté de nous. Me voir l’avait visiblement mis de mauvaise
humeur. Je ne pouvais pas faire grand-chose à ce sujet cependant. J’avais creusé ma
propre tombe avec ce discours trop zélé après notre match.

Le problème était que je ne savais pas ce qui se passerait si je disais que j’avais gagné
alors qu’il était déjà irrité, et surtout qu’il se tenait à côté de l’héroïne du lycée. Il voulait
probablement l’impressionner, et il ne serait probablement pas très heureux que je lui vole
la vedette. Ouaip, ça pourrait devenir désagréable.

Ok, j’admets qu’une partie de moi voulait se la jouer devant la fille la plus populaire du
lycée. Je suis peut-être déragé, mais je suis toujours humain. D’un autre côté, je savais
que ça ne mènerait à rien. En fait, les gens auraient pu dire, Il est trop bon, quel monstre
LOL ! Pourquoi ? Parce que la vie est un jeu merdique et injuste.

Et dans ce cas, ce serait mieux d’aplanir les choses et de dire que j’ai perdu. Et encore, je
pourrais finir par blesser la fierté de Nakamura … Et c’est alors que je réalisai quelque
chose.

Attends une seconde. Pourquoi Aoi Himani, la parfaite superwoman, me posait-elle cette
question ? Comme elle était amie avec Nakamura, lui poser la question aurait été plus
naturel. Faisait-elle la conversation pour me mettre à l’aise parce que nous n’avions
jamais vraiment parlé auparavant ? Non, quelqu’un d’aussi à l’écoute du climat social
qu’Aoi Hinami aurait déjà compris que Nakamura avait perdu grâce à l’atmosphère
générale du lycée ces derniers temps. Étant donné cela, aborder ce sujet avec moi serait
un geste étrange. Qu’es-ce qu’il se passait ?

… Je n’arrivais pas à trouver une réponse. Alors que je réfléchissais à la manière de
répondre, Nakamura prit soudainement la parole.

« Mon Dieu, Aoi, ferme-la. J’ai perdu, d’accord ? Allons-y et oublions ce crétin, » cracha-t-il
sur le ton le plus irrité que j’aie jamais entendu.

L’air entre nous se figea. Oh-oh, et maintenant ?

« Wow ! Vraiment ? Tomozaki-kun, c’est incroyable ! Allez Shuji, ne t’inquiète pas ! »

Elle avait dit « ne t’inquiète pas » très affectueusement, même d’une manière assez
taquine. La tension s’adoucit.

« …Aw, tais-toi ! » rétorqua-t-il, souriant cette fois avec exaspération.

« Mais Shuji est bon en tout ! Wow, tu dois être vraiment bon pour l’avoir battu ! C’est
incroyable… »

« N-non, ce n’était pas grand-chose… »

« Je veux jouer contre toi la prochaine fois ! »

« Je ne pense pas que ce soit une très bonne idée… »

« Ouais, peut-être pas. Désolé, je me suis laissée emporter ! » gloussa-t-elle.

Pour une raison quelconque, il était vraiment facile de lui parler. Je suppose que c’est ce
que les gens veulent dire quand ils parlent de « compétences en communication ». Et
Nakamura se tenait à côté d’elle avec ce petit sourire, comme s’il surveillait un enfant,
même si elle venait de lui faire admettre sa défaite. Cela devait être sa façon de le
taquiner. Si c’était le cas, elle était vraiment incroyable.

« Euh, eh bien, je vais à la cafétéria. »

« Ok ! On se voit plus tard ! Apprends-moi quelques-uns de tes trucs la prochaine fois ! »

« Euh, oui. »

« …ing… » Nakamura marmonnait quelque chose

« Quoi ? »

« Rien. Bye. »

Qu’est-ce qui vient se de passer ? « Euh, bye. »

« Bye ! »

Je me dirigeai vers le réfectoire pendant que le second « bye » d’Aoi Hinami atteignit
l’arrière de ma tête.

…Ouf. J’ai survécu. Je laissai échapper un soupir de soulagement.

Mais maintenant, tout commençait à avoir un sens. Elle devait savoir dès le début que
même si elle abordait ce sujet, elle serait capable de faire en sorte que tout le monde se
sente bien, voire même excité, à la fin de la conversation. Une décision que seule un
normie pourrait prendre. Mon cerveau n’aurait jamais pu le prédire.

Tout de même, je ne m’attendais pas à ce que Nakamura révèle sa défaite. Espérons que
ça ne le fera pas me détester encore plus … C’est avec cette pensée en tête que j’arrivai
au réfectoire.

C’est ainsi que la petite explosion dans ma vie avait été adoucie par les formidables
talents de communication d’Aoi Hinami avant de rétrécir et de s’estomper. Normalement,
je ne supporte pas la confiance bizarre et l’enthousiasme excessif des humains, et je
pensais que cela ne servait à rien. Mes valeurs avaient légèrement changé, marquant une
petite étape dans ma vie.

Le samedi suivant, un évènement bien plus important se produisit.

« Je suis là ! »

« Je serai là dans deux minutes. »

« Ok ! »

Le jour de mon rendez-vous avec NO NAME était arrivé. J’avais reçu un message disant,
« Si tu as besoin de me contacter, utilise cette adresse e-mail ! » alors nous nous étions
déjà envoyés des mails. Il semblait que NO NAME attendait déjà. Je pris le train et arrivai
aussi.

« Je suis là. »

« Okay ! J’attends devant la supérette à la sortie Est. »

« Compris. Qu’est-ce que tu portes ? »

Je pouvais voir la supérette juste en face de la sortie Est. Il y avait un cendrier à l’extérieur
avec deux gars debout autour, entrain de fumer. Lequel est NO NAME ?

Mon téléphone portable vibra. J’ouvris le message. Ok, alors.

« Je porte une chemise blanche et bleue et une jupe noire ! »

Une fille. Eh bien, je suppose que c’est possible. Je pensais à un garçon, mais il n’y
avait aucune raison pour que ce ne soit pas une fille.

Je me dirigeai vers l’épicerie et je regardai autour de moi jusqu’à ce que je repère une fille
devant le distributeur. Une chemise blanche et bleue, et une jupe noire. C’était elle.

De dos, je pouvais voir qu’elle avait des cheveux noirs soyeux qui lui arrivaient aux
épaules et une peau si claire qu’elle était presque transparente. Je ne pouvais pas voir
son visage, mais elle était probablement jeune. Même de dos, je pouvais dire qu’elle était
mignonne. Oh merde. Maintenant je suis nerveux à l’idée de dire bonjour. J’espère que
ma voix ne va pas craquer.

« Euh, excuse-moi, tu es NO NAME ? »

Je réussis à le dire correctement. La fille aux cheveux noirs, pur et innocente, commença
à se tourner vers moi. De quoi avait-elle l’air — hein ?

« Hi ! Oui, je suis NO NAME … huh ? »

« …Uh… ? …Err… »

« Ehhhhhhh ?! »

Avant même que je ne puisse exprimer ma surprise, Aoi Hinami cria.

Aoi Hinami ?! Qu’est-ce qui se passe ?

« Um…Hinami…san ? »

« Ok, donne moi une seconde. J’ai besoin de me calmer… Tu es bien Tomozaki-kun,
non ? De ma classe ? »

« Euh, euh, oui… »

Ce n’était pas une sosie d’Aoi Hinami. C’était la vraie. Mais ce qui me frappait, avant la
surprise, c’était son comportement étrange. Elle avait l’air totalement différente de
d’habitude. Pas du tout joyeuse. Froide. Mais en même temps, ça ne semblait pas être de
la comédie.

« Tu es nanashi ? » Son ton était plutôt agressif.

« Ouais, c’est moi…, » répondis-je maladroitement.

« … ! »

Un pli aigu apparut entre ses sourcils. Hein ? La Aoi Hinami que je connaissais n’étais pas
aussi renfrognée. Elle était plus innocente, plus douce …

« Eh bien, ça craint … »

« Hein ? »

« Je ne veux pas croire ça. Je ne veux pas croire que le vrai nanashi est un loser qui ne
va nulle part dans la vie. »

« H-Hinami-san ? »

Qu’est-ce qu’elle vient de dire ? « un loser qui ne va nulle part dans la vie » ? Elle n’était
pas du genre à insulter un gars en face, n’est-ce pas ? Qu’est-ce qui se passe ? A-t-elle
un dédoublement de personnalité ? Ou j’étais trop bizarre, même pour elle ?

« Q-qu’est-ce qui ne va pas ? Hinami-san, tu n’es pas … toi-même. La façon dont tu
parles et tout ça. »

« ! »

Elle se pencha en arrière, extrêmement mal à l’aise. Son visage est très expressif, il était
donc facile de lire son humeur. Normalement, elle utilise cette qualité pour un effet
beaucoup plus mignon bien sûr.

« Oh… Je dois arrêter de m’oublier quand il s’agit d’Atafami… »

« Hein ? »

« Mais si c’est tout ce que tu as vu, c’est pas grave. »

« Pas grave … ? »

« Tu as dit que je e faisais que parler et agir bizarrement, non ? Si c’est tout ce que tu as
remarqué, alors ce n’est pas un problème. »

« Pas un problème… ? »

Hum, si ça l’est. C’est un énorme problème. Qui es-tu et qu’as tu fait à Hinami-
san ?

« … »

« … »

Un silence inattendu s’abattit sur nous. Eh bien, c’est gênant. Mais Aoi Hinami resta là,
avec ce froncement de sourcils intimidant, sans faire le moindre effort pour apaiser la
tension.

« Eh bien, de toute façon, tu es NO NAME. C’est une surprise… Je veux dire… »

J’ai même trébuché en trouvant quelques mots pour combler le silence. Au moins, je suis
cohérent.

« Ouaip. Je suis déçue aussi. Je n’arrive pas à croire que nanashi, la seule personne que
je respectais, s’avére être une ordure sans la moindre étincelle d’ambition. Tu es le genre
de personne prête à abandonner et à perdre dans la vie. »

« …Huh ? »

J’étais déjà occupé à me battre contre moi-même, et voilà que le monde extérieur vient
me donner un autre coup de pied quand je suis à terre. Elle avait été dure. Je veux dire,
« ordure » ? Elle avait bien parlé de respect, mais au passé. J’étais préoccupé par le fait
qu’elle était différente de celle du lycée, mais je ne pouvais pas la laisser se moquer de
moi à ce point sans rien dire.

« A-attends une seconde. Um, est-ce que tout ça était … nécessaire ? »

« Je l’ai seulement dit parce que c’est vrai. »

« Ce n’est pas parce que c’est vrai … que c’est bien de le dire. »

« Qu’est-ce que ça veut dire ? »

« Tu ne me connais même pas, et tu dis que je n-n’ai pas d’ambition et que je me laisse
aller… Ce que j’essaie de dire, c’est que tu n’as pas le droit de me faire la morale. Je
pense que c’est grossier. »

« Peut-être que tu devrais arrêter de parler la bouche pleine avant de commencer à dire
aux gens de ne pas être impolis, tu ne crois pas ? »

« Je n’ai rien dans la bouche ! »

J’ouvris grand la bouche et je réussi finalement à parler sans bégayer. Aoi Hinami me
regarda froidement.

« …Ok, je te l’accord. Je suppose que j’ai été impolie. Je te dois des excuses. Je suis
désolée. Quand il s’agit de ce jeu, je suis un peu énervée… Mais je vais te dire quelque
chose, et je te préviens, c’est impoli… Je suis énervée parce que la seule personne que je
respectais le plus s’avère être le type de personne que je déteste le plus. »

« C’est de ça que je parle… »

« Tu n’as pas le droit de parler de manières. Regarde ce que tu portes. »

Hein ? Qu’est-ce que mes vêtements ont à voir avec quoi que ce soit. C’est pas
comme s’il y avait un code vestimentaire.

« Q-qu’est-ce que tu veux dire ? Les gens peuvent porter ce qu’ils veulent. »

« …Hmph. C’est exactement pour ça que je déteste les gens comme toi. »

« Huh ? »

Elle continuait. Même si elle s’était excusée il y a deux secondes.

« Quand tu rencontres quelqu’un, surtout pour la première fois, il y a un minimum syndical
au niveau de la tenue, non ? Ok, je sais que techniquement on ne se rencontre pas pour
la première fois, mais tu ne le savais pas, n’est-ce pas ? Regarde les plis de ta chemise.
Tu as pris la peine de la repasser ? Et les revers de ton jean sont en lambeaux. Depuis
combien de temps tu l’as ? As-tu pensé à en acheter un nouveau ? Ça fait longtemps que
je n’ai pas vu un lycéen porter des baskets high-tech. Elles sont toutes boueuses, et les
lacets sont effilochés. C’est évident que tu as marché jusque ici sans les attacher. Et aller
— on dirait que tes cheveux sortent tout juste du lit. Les as-tu brossés ce matin ? T’es-tu
au moins regardé dans un miroir ? Si tu rencontrais quelqu’un pour la première fois, et
qu’il arrivait dans ton état, ne penserais-tu pas qu’il est impoli ? Alors, Tomozaki-kun ? »

Après sa tirade, je pris soudainement conscience de mon apparence. Je n’y avais pas
pensé plus tôt, mais je suppose qu’on peut dire que je n’étais pas très bien habillé. Ok,
elle avait raison sur un point. Mais quel était son problème ? Je ne suis pas venu pour me
faire incendier par quelqu’un que je connais à peine.

« M-mais ce n’est pas tes affaires, n’est-ce pas ? C’est un pays libre. »

« Oui, ça l’est. Si c’est bon pour toi, je suppose que c’est bien. Tu as dit que j’étais impolie,
mais tu n’es pas mieux que moi. C’est tout ce que je voulais dire. »

« Pas mieux ? »

« Eh bien, nous nous ne rencontrons pas pour la première fois, donc tu n’as pas à
t’excuser. Si c’était la première fois, alors tu aurais dû le faire. »

L’expression dans ses yeux était pire que le mépris pour les ordures, plus dans le domaine
de la haine réelle.

« …Mais maintenant j’en ai assez dit pour être vraiment impolie. Je ne pense pas avoir
tort, mais je m’excuse encore. Pour avoir été impolie, c’est tout. Je suis désolée. Je n’ai
plus envie de parler d’Atafami ou de faire une revanche. Au revoir. »

Sur ce, Aoi Hinami tourna les talons et commença à marcher vers la gare. Je pus
apercevoir son visage pendant qu’elle marchait.

Je ne suis, moi-même, pas sûr de la raison pour laquelle je suis allé ouvrir ma bouche.
J’aurais dû être plus qu’heureux de dire au revoir à quelqu’un d’aussi grossier. Peut-être
que j’étais ennuyé par ce qu’elle avait dit, ou peut-être que c’était parce que pendant ce
bref instant, où elle se remit à marcher, elle avait l’air plus abattue que haineuse.

« …Attends. Tu penses que tu peux dire ce que tu veux et ensuite partir ? »

Aoi Hinami s’arrêta et se retourna vers moi. « Pfffff. Qu’est-ce que tu veux encore ? »

J’avais ouvert ma bouche pour l’arrêter, alors pour être honnête, je n’avais pas prévu de
suite. J’étais trop énervé pour bien déchiffrer son expression, mais derrière la haine je
croyais voir une lueur d’espoir en même temps. Mon esprit était vide. Je n’étais conscient
que du frisson croissant au bout de mes doigts.

« Tu as dit que je perdais au jeu de la vie ou quelque chose comme ça. »

Je ne savais pas quoi dire ensuite. Les battements de mon cœur résonnaient dans mes
poumons et faisaient trembler mon cerveau.

« Tu as d’excellentes statistiques de base, donc quelqu’un comme toi ne pourrait pas
comprendre ce que je ressens. »

La bouche d’Aoi Hinami bougea très légèrement, comme si elle répétait mes mots, mais je
ne pouvais pas l’entendre. Je n’étais même pas sûr du son de ma voix à ce moment là.

« La vie est injuste. Je suis laid, mal bâti, je réfléchis trop jusqu’à ce que je ne puisse rien
faire, je suis insipide, les gens se moquent de tout ce que je fais, et je n’ai aucune
confiance dans ma capacité à communiquer. Comment quelqu’un comme moi est censé
battre quelqu’un d’aussi fort que toi ? »

C’était peut-être la première fois que je disais quelque chose comme ça à un étranger.

« Mais c’est très bien comme ça. Parce que la vie n’est pas juste. On n’obtient pas de
résultats juste en faisant des efforts. Si on on pouvait, je le ferais, mais la vie n’a pas de
règles. Pas de récompenses, pas de bonnes réponses. En tant que jeu, c’est de la merde.
S’il n’y a pas de bonnes réponses, ça ne sert à rien d’essayer. Et je déteste la façon dont
les normies comme toi vivent. Votre confiance est sans fondement, et vous vous
promenez en bande en prétendant vous amuser. »

Les vannes étant ouvertes, je ne pus pas m’en empêcher.

« Même quand j’ai une raison d’être confiant, je me défile. Quand je suis dans un groupe,
je me sens seul et ce n’est pas drôle. Je suis habitué à cette vie. Je ne sais pas pourquoi
les choses sont comme ça. Ça te pose un problème ? J’ai été comme ça aussi longtemps
que je me souvienne. Ça me va. Je suis un solitaire, mais je m’amuse. Je suis bien
comme ça … »

Je serrai les poings.

« …Alors ne n’impose pas tes valeurs ! »

Je sentis la chaleur s’échapper soudainement. La brume épaisse dans ma tête se dissipa,
le feu dans mes yeux commença à s’atténuer, et l’expression d’Aoi Hinami se précisait
petit à petit.

Son visage était vide. Elle me fixait juste.

« …Arrête de pleurer comme un mauvais perdant, » marmonna-t-elle d’un air détaché.

« Quoi ? »

« J’ai dit, tu es un mauvais perdant. Tu détestes la vie des humains alors que tu ne l’as
jamais vécue ? C’est idiot. Comment sais-tu que tu détestes ça ? Si tu l’avais expérimenté
et qu’ensuite tu disais que ce n’était pas amusant, ça aurait du sens. Mais tu ne l’as jamais
expérimenté, n’est-ce pas ? Dans ce cas, tu es juste un mauvais perdant. »

… J’avais l’impression d’avoir entendu un argument similaire dans le passé. Un passé très
récent.

« Il n’y a rien que je déteste plus que quelqu’un qui perd et qui commence à essayer de
justifier sa défaite au lieu de faire un effort pour s’améliorer. »

Cet argument me semblait vraiment familier.

Mais ce n’était pas la même chose.

« Je comprends ce que tu dis, mais c’est différent. Tu ne peux pas changer de
personnage dans la vraie vie. »

« De personnage ? »

« Au moment où on naît, notre avenir est pratiquement décidé. Tu es belle, douée pour les
études et le sport. Tu es dans le haut du panier. Si j’étais comme toi, je ferais un peu
mieux dans la vie. Mais ce n’est pas le cas. Tous mes points de compétences sont allés
dans des choses comme mes cheveux et ma tendance à être contradictoire. Cela ne
m’aide pas du tout dans la vie ; en fait, cela me fait trop réfléchir, jusqu’à ce que je perde
tout confiance et motivation. Que veux-tu ? J’ai les mains liées ! »

Aoi Hinami me regardait en silence, alors je continuai à parler.

« Ton personnage est tout simplement meilleur que le mien. Et ce n’est pas grave. J’ai
honnêtement apprécié ma vie telle qu’elle est. Alors laisse-moi tranquille… »

« Un meilleur personnage, hein ? »

Aoi Hinami baissa le regard et regarda sur le côté pendant un moment. Puis,
soudainement, elle reprit la parole.

« Viens avec moi. » Elle attrapa mon bras.

« Hein ? »

Sur ce, je fus entraîné, abasourdi et pas tout à fait consentant par Aoi Hinami.

* * *

J’étais donc là, assis, les jambes poliment repliées sous moi (mais toujours avachi) alors
que je scrutais la pièce à la recherche de la source d’une douce odeur faute de mieux. Je

n’avais pas vu de parfum ou d’encens. Mais l’odeur était si douce et agréable qu’elle
devait bien venir de quelque part.

Il y avait un lit avec des draps blancs et une couverture en éponge jaune clair. Un oreiller
rose et une paire de pyjamas doux, visiblement bien aimés, par-dessus. Une petite table
ovale noire avec rien dessus à part un stylo orange mignon et une lampe noire. Une
commode et une bibliothèque blanche. Un bureau noir élégant. Une moquette rose pâle.
Les seules autres choses dans la pièce étaient quelques bibelots simples, aux couleurs
chaudes, vaguement mignons et bien rangés. Elle n’avait pas eu le temps de vaporiser un
désodorisant ou quelque chose du genre.

Peut-être le tissu ?

Je pouvais être convaincu que la pièce capturait l’odeur de ses vêtements, de ses draps,
de sa couverture et de son tapis. Mais pour ça, il fallait vraiment qu’elle soit à fond dans le
nettoyage et la lessive et tout ça. Si je n’avais pas vu l’Aoi Hinami complètement
transformée il y a peu, j’aurais cru que l’héroïne parfaite était capable de cela, mais plus
maintenant.

C’était quoi son problème de toute façon ? Elle disait juste ce qu’elle voulait et me faisait
dire des choses que je ne voulais pas dire. D’habitude, si tu traînais un garçon de ta
classe que tu connaissais à peine dans ta chambre, contre son gré, ce serait considéré
comme follement imp… Attends une seconde, je suis dans la chambre d’Aoi Hinami !

J’étais vaguement conscient de ce qui se passait et j’essayais de l’ignorer, mais en vérité,
j’avais de gros problèmes. Je n’avais jamais été dans la chambre d’une fille, et je n’avais
aucune idée de ce que j’étais censé faire. Pour le moment, j’étais juste assis sur le sol.
J’avais probablement déjà fait dix choses de travers.

La fille en question m’avait laissé là tout seul, marmonnant un très mystérieux « Un
meilleur personnage, hein ? » en partant. Elle n’était partie que depuis quelques minutes,
mais je sentais déjà mon esprit essayer de m’étrangler de l’intérieur.

J’avais réussi à me convaincre de rester calme en pensant à divers autres sujets, mais
j’étais sur le point de craquer. Laisse-moi tranquille !

Toc, toc, toc. Quelqu’un montait les escaliers, donc cette pièce devait être au deuxième
étage. Je paniquais tellement que j’avais oublié que j’étais au deuxième étage. Aoi Hinami
était-elle de retour ?

Click. La porte de la chambre s’ouvrit.

« …Euh, je visite juste. »

Une fille que je n’avais jamais vue était entrée. Même moi, j’avais assez de capacités de
communication — ou devrais-je dire de manières — pour offrir un accueil correct dans
cette situation. Honnêtement, elle n’étais pas aussi jolie qu’Aoi Hinami, bien qu’il y ait une
légère ressemblance. Probablement sa grande sœur ou quelque chose comme ça. Je
parie qu’elle se demandait pourquoi cette fille belle et parfaite avait laissé entrer cet idiot
dans sa chambre. J’espérais juste qu’elle ne ressentait pas le besoin de le dire à voix
haute.

« Qu’est-ce que tu en penses ? » a-t-elle dit.

« A propos de quoi ? »

« Un C+ peut-être ? »

« C’est quoi un C+ ? »

« … Tu n’as vraiment aucune expérience avec les filles, n’est-ce pas ? »

« Huh… ? »

Je ne la connaissais même pas. Qu’est-ce que j’ai fait pour mériter ça ? Le don de faire
des commentaires grossiers aux super-geeks doit être dans le sang de la famille Hinami.

« Je ne suis pas maquillée. »

« Quoi ? »

« C’est moi, Aoi Hinami. J’ai enlevé mon maquillage. A quel point tu es bête ?

« …Ehhhhh — ?! »

J’ai remarqué une ressemblance, mais quand même, comment pouvait-elle être si
différente. Je n’avais jamais eu l’impression qu’elle portait beaucoup de maquillage. En
fait, c’était le contraire — je pensais qu’elle était du genre naturel. Qu’est-ce qui se
passe ?

« Tu as dit que mon personnage est meilleur que le tien, non ? »

« … ? Oui, et… ? »

« Tu comprends maintenant ? »

« …Comprendre quoi ? »

« Tu es tellement bête, c’en est presque criminel. Évidemment, je veux dire qu’avec un
peu d’effort, ta statistique d’apparence peut s’améliorer. »

« Oh. »

C’est donc ce qu’elle voulait dire. J’avais compris ce qu’elle disait, mais ça ne lui donnait
toujours pas le droit de me faire la morale.

« Même si tu es un personnage de bas niveau, tu peux t’améliorer. Les statistiques de
base de ton visage ne sont pas une excuse pour abandonner la vie. »

T’es sûre de ça ?

« …C’est tout ? Tu m’as fait monter ici pour me faire la morale avec des clichés ? »

« A peu près. »

« Ce n’est pas vraiment tes affaires. Je te l’ai déjà dit, nous sommes différents. D’abord, je
suis un mec, donc je ne peux pas me maquiller. De plus, notre statut initial est différent. La
structure de mon visage est ce qu’elle est. Qu’est-ce que je peux y faire maintenant ? Ça
fait partie du fait d’être au bas de l’échelle… Bref, je rentre chez moi. »

Je ramassai mon sac et me leva, moins tendu qu’avant. Peut-être parce que je venais
d’évacuer tout ce qui me passait par al tête.

« Tu ne comprends vraiment pas du tout. »

« …Quoi encore ? »

« Quels sont, selon toi, les éléments les plus importants de l’apparence d’une personne.
Dis-m’en trois. »

« J’ai dit que je partais. Est-ce que je dois encore jouer à ton petit jeu ? »

« Oh, alors la vie n’est pas la seule chose que tu fuis. Tu n’es même pas prêt à te battre.
Tu es vraiment un mauvais perdant. »

Les insultes fusaient. Elle avait du culot.

« Laisse tomber ! Bien, si tu insistes, je vais mordre à l’hameçon. Des éléments importants
de l’apparence d’une personne. Le visage avec lequel ils sont nés, pour commencer. Quoi
d’autre ? Leur taille et leur poids je suppose. »

« Faux. »

Touché.

« Ok, alors quoi ? »

« Ton expression faciale, ta corpulence et ta posture. »

J’ai dit la corpulence, n’est ce pas ? « …Et le visage en lui-même ? »

« Pas un problème majeur. »

« Euh, j’en doute… »

Comment le visage pourrait ne pas avoir d’importance pour l’apparence générale ? De
tout évidence, c’était le cas. Ma propre vie en était la preuve.

« Alors regarde ça. »

Aoi Hinami couvrit son visage de ses deux mains. Elle se redressa, puis retira ses mains
comme si elle jouait à faire coucou. « Qu’est-ce que tu en penses ? »

« …Euh, qu’est-ce qu’il vient de se passer… ? »

La fille en face de moi était étonnamment jolie, ainsi que 50 ou 60 % plus sympathique
qu’avant qu’elle ne cache son visage. Elle ressemblait à Aoi Hinami sans maquillage. En
fait, elle n’aurait pas dû ressembler à ça dès le départ ?

« Tu as compris maintenant ? Tout est dans mon expression. »

« Pas possible… Ça doit être plus que ça. »

« Alors comment tu expliques ça ? Une sorte de tour de magie à changement rapide ? De
la chirurgie plastique instantanée ? » Tout en parlant, elle laissait l’énergie s’écouler de
son visage jusqu’à ce qu’il redevienne ce qu’elle avait appelé un « C+ ». Mais alors même
que cette pensée me traversait l’esprit, elle redevenait une beauté sympathique. Encore et
encore, elle basculait entre ces deux facettes.

« Oooh… »

J’avais l’impression d’observer une compétence étonnante. C’était, honnêtement, vraiment
impressionnant.

« Ok, j’admets que j’ai dû beaucoup m’entraîner pour devenir aussi forte, » dit-elle se
transformant lentement une fois de plus. « Au fait, as-tu remarqué que je change de
posture et d’expression ? »

« Hein ? »

Maintenant qu’elle le mentionnait, je pouvais voir son dos se courber puis se redresser à
nouveau, pendant qu’elle devenait plus géniale et attirante.

« Ta posture affecte l’impact de ton expression faciale. En perfectionnant ton expression et
ta posture, tu seras plus que capable de convaincre les gens que tu es une personne
normale. Bien sûr, j’ai été bénie avec un beau visage pour commencer, c’est pourquoi je
peux devenir aussi belle. »

« Vous êtes confiante, n’est-ce pas, Votre Altesse ? »

« Exactement. La confiance est la clé. »

« Ce n’est pas ce que je voulais dire ! … De toute façon, où veux-tu en venir ? »

« Tu ne sais pas ? »

…Ok, je suppose que je sais.

« Tu essaies de dire que même un bâtard moche peut avoir l’air ordinaire ? »

« Ooh, tu es bon pour deviner ! »

« Et alors ? Tu veux que je fasse plus d’efforts ? Je ne t’ai pas déjà dit que ce ne sont pas
tes affaires ? »

« C’est pas ça. »

« Quoi alors ? »

Aoi Hinami me regarda dans les yeux — ou plus exactement, elle me regarda si
profondément dans les pupilles que c’était comme si elle pouvait voir dans mon cerveau.

« C’est que les gens comme toi, ou du moins cette version de toi, ont les âmes les plus
méprisables du monde entier. »

« Qu — ? » Pourquoi est-ce que tu m’attaques soudainement ?

« J’ai bien dit ‘cette version de toi’ »

« Ce-cette version ? … Ne penses pas pouvoir me distraire en essayant d’insinuer — »

« Tu es sur le point d’écouter un discours présomptueux, mais ne te sens pas obligé d’y
prêter attention. J’ai l’intention de te donner des ordres, mais en fin de compte, c’est toi qui
décidera d’y obéir ou non. Tu es libre d’ignorer tout ce que je dis. Garde cela à l’esprit. »

Aoi Hinami me coupa la parole, changeant l’ambiance. Il n’y avait pas une once d’humour
dans ses paroles ou dans ses yeux. Même quelqu’un d’aussi maladroit et inconscient que
moi pouvait voir qu’elle était on ne peut plus sérieuse.

« …Uh-huh… » Son calme et son sang-froid, bien au-delà de ce que l’on pouvait attendre
d’une lycéenne, me bouleversèrent.

Après avoir obtenu mon consentement, elle commença à m’expliquer. Son expression
n’était ni le visage terne C+, ni le visage amical et joli, mais plutôt quelque chose de triste
et de très humain.

« … Tu as dit que tu n’avais pas de compétences en communication ou de confiance en
toi, et comparé à toi, mes statistiques de base sont très élevées. Mais elles ne le sont pas.
Pour être honnête, j’étais une personne moyenne — en dessous de la moyenne même, au
moins jusqu’à l’école primaire. C’est pourquoi je ne tourne pas autour du pot. Les
compétences en communication, la confiance en soi, et les autres choses que tu as
mentionné, tout cela peut s’améliorer avec des efforts. Ma vie depuis le collège en est la
preuve. »

Son ton confiant suggérait que ses affirmations étaient bien étayées.

« … Tu as dit que la vie était irrationnelle et injuste, mais ce n’est pas vrai. Le jeu de la vie
fonctionne sur un certain nombre de règles simples. Tu ne peux pas les voir parce qu’elles
se croisent de manière complexe. »

Je pouvais voir qu’elle entrait dans ma tête, que je la croie ou non.

« Je respectais nanashi. J’ai traversé beaucoup de choses en ne faisant que des efforts ?
J’étais persuadée d’être meilleure que quiconque en matière de travail et de
persévérance, et les résultats le montraient. Mais je je ne pouvais tout simplement pas
attendre le niveau de nanashi à Atafami. »

Son explication continua. Elle ne bougea pratiquement pas et ne fit pas de gestes.

« Je pensais que nanashi pouvait me surpasser dans l’effort, et c’est pour ça que je le
respectais. Mais derrière le rideau, voici ce que j’ai découvert. Dans la vie réelle, non
seulement nanashi a perdu, mais il ne s’est même pas battu. C’était un bon à rien qui
utilisait ses attributs par défaut comme excuse pour fuir. Le pire, c’est qu’il était un
mauvais perdant pathétique qui essayait de se justifier en concluant qu’un plaisir qu’il
n’avait jamais connu devait être ennuyeux. »

Étrangement, malgré tout ce qu’elle disait de moi, je ne me sentais pas en colère. Peut-
être que j’étais submergé par son sérieux et son intensité, mais plus que cela, je
commençais à sentir une similitude entre nous.

« Je suis une personne extraordinaire. Tu le penses aussi n’est-ce pas ? Je suis peut-être
la personne de seize ans la plus extraordinaire du Japon. Mais dans un domaine, tu me
bats. On a le même âge, et le sexe n’a aucune importance pour ça. Alors je vais te le dire :
ça me rend malade que toi, la personne qui me bat — nanashi, la seule personne que je
respectais — ruines ta vie. C’est impardonnable ! C’est dégoûtant ! Si la personne qui me
bat est sans valeur, est-ce que ça ne me rend pas sans valeur aussi ? »

Je pensais que la raison pour laquelle elle ne me paraissait pas arrogante, même après
tout ce qu’elle avait dit, était qu’elle avait manifestement payé de son sang et de sa sueur
tout son succès.

« Ma théorie favorite est que les meilleurs jeux sont toujours les plus simples. Le jeu de la
vie ne semble pas avoir de règles, mais en fait, c’est juste une intersection élégante et
complexe des règles les plus simples. Il n’y a pas de meilleurs jeux que le monde. C’est
juste que tu ne le sais pas encore … Nanashi est un grand joueur, alors comment puis-je
le laisser perdre à un jeu aussi merveilleux ? …Tomozaki-kun, je vais te faire une offre —
non, je vais te donner un ordre. »

Mis à part les détails, je n’avais jamais rencontré quelqu’un dont la vision du monde était si
proche de la mienne. C’est exactement pourquoi —

« Je vais t’apprendre les règles de ce jeu une par une. »

— son explication avait tellement de sens que c’en était presque ennuyeux.

« Il est temps pour toi de jouer sérieusement au jeu de la vie ! »

C’était l’évènement majeur de ce samedi.

* * *

« Ok, je comprends ce que tu essaies de dire. »

Je ne pense pas avoir été sermonné aussi honnêtement et avec aussi peu de conneries
par une personne que je connaissais à peine.

« Bien. » Le visage de Aoi Hinami était toujours le vrai, d’après ce que je pouvais voir.

« Mais il y a certaines choses que je ne comprends toujours pas. » Oui ou non, je ne
pouvais pas me permettre de donner une réponse superficielle à une question comme
celle-ci.

« Je pense que je jeu de la vie est merdique. Je peux étayer ça avec beaucoup de
preuves, et je suis assez sûr d’avoir raison. »

Les bas niveaux se font exploiter, et les hauts niveaux en récoltent les bénéfices. Il n’y a
pas de règles simples et élégantes. C’est juste un jeu de merde.

« Oui… »

« Alors quand tu dis que la vie est un jeu génial, que je me cherche des excuses, et que je
suis un mauvais perdant, ça ne me convient pas. »

« C’est vrai. »

« Mais… »

« Mais ? »

En parlant, je me souvins que Nakamura avait mis sa défaite sur le compte du jeu lui-
même. « Je suis d’accord avec toi. Ne faire aucun effort et couvrir sa défaite en la mettant
sur le compte du jeu est la chose la plus pathétique au monde. Il n’y a rien que je déteste
plus. »

La bouche d’Aoi Hinami s’étira en un large sourire.

« Vraiment ? Ça c’est digne de nanashi. »

« …Mais parfois, c’est vraiment la faute du jeu. Dans de nombreux jeux, on peu
compenser un personnage de merde par la technique, mais il y en a quelques-uns où
c’est tout simplement impossible. »

« Et tu veux dire que la vie est un de ces jeux où c’est tout simplement impossible, non ? »

« Exact. C’est pour ça que c’est de la merde. »

« De ton point de vue. »

« Peut-être. Mais je ne sais pas comment voir la vie de la même façon que toi. »

« Bien sûr que tu ne le sais pas. »

« Oui, évidemment. Les gens ne peuvent pas voir à travers les yeux de quelqu’un d’autre.
Dans un jeu, on peut essayer un personnage de haut niveau, mais dans la vraie vie, on ne
peut pas essayer le point de vue d’une autre personne. Mon seul choix est de faire
confiance à ma propre vision des choses. »

« Uh-huh… »

« Donc quand quelqu’un dit que la vie est le G.O.A.T ou autre, je me dis que c’est juste
parce que c’est un personnage de haut niveau. Leur opinion ne va pas me faire changer
d’avis. » Je regardai Aoi Hinami droit dans les yeux. « Et c’est mon point de vue. »

Cette fois, la déception sur son visage était claire.

« …Oui. C’est bien alors. La décision finale te revie — »

« Mais, » interrompis-je. « …Mais cette fois, je commence à pense que ça vaut la peine de
t’écouter un peu plus longtemps. »

Encore une fois, je la regardai droit dans les yeux. Merde, elle est vraiment attirante.

« Pourquoi tu dis ça ? »

« Parce que… » Je réfléchis un moment. « Parce que ta façon de dire les choses est trop
similaire à la mienne, même si tu es une normie avec un bon physique. Je pense que
nous avons assez en commun pour que je puisse apprendre quelque chose de toi. »

« Hmm. »

« Mais ce n’est pas la raison principale. »

« …Et quelle serait-elle ? »

Son regard se déplaça vers moi avec intérêt et suspicion.

« La personne qui dit ça est la seule joueuse que je respecte au Japon — NO NAME. »

« … »

« … »

« …Nul. »

Hein ? Je pensais l’avoir clouée.

« … Attends, en quoi c’était nul ? »

« Tu ne peux pas juste rajouter une phrase bizarre à la fin. C’est nul. »

« Lâche-moi un peu, ça m’a pris tout mon courage pour dire ça. »

« M’en fiche. Tu peux penser que c’est profond, mais ça ne l’est pas. » « Hé, j’ai des
problèmes de communication. Que dirais-tu d’un A pour l’effort au moins ? Je réagis bien
aux compliments. »

« As-tu fait quelque chose de louable ? Non, tu m’as déçu. Nanashi ne changerait jamais
d’avis aussi facilement. »

« Hein ? Qu’est-ce qui était facile à ce sujet ? Et je n’ai pas changé d’avis, j’ai juste dit que
j’étais prêt à t’écouter un peu plus longtemps. »

« En quoi c’est différent ? Ça sonne pareil pour moi. »

« Pas du tout. Je fais confiance aux joueurs, et tu es la deuxième meilleure joueuse du
Japon. Ce qui signifie que la personne en qui j’ai le plus confiance, à part moi-même, dit
qu’il y a quelque chose que je ne sais pas. C’est pourquoi je vais écouter. C’est tout. »

« Ça ne veut pas dire que tu as changé d’avis ? »

« Je te l’ai déjà dit, non ! Je vais juste écouter et ensuite décider si tu m’as convaincu. Je
suis loin d’accepter ton offre. Si tu ne me convaincs pas, ça sera non. »

« Mais tu vas m’écouter pour le moment. »

« Bien sûr. Je suis nanashi. Il m’a suffi d’une seule partie pour savoir combien d’efforts tu
as fourni pour perfectionner tes compétences. Je pense que t’écouter en vaudra la
peine. »

« …Hmph… Je suppose. »

« Je suppose », hein ?

J’étais sur le point de me féliciter d’avoir survécu à une conversation entière avec une
camarade de classe, et une conversation animée en plus… quand je réalisai que je ne
parlais pas vraiment à Aoi Hinami. Je parlai à NO NAME. Peut-être que ce n’était pas si
impressionnant après tout.

« Eh bien, apprends-moi déjà. Quelles sont les règles ? »

Je voulais juger par moi-même si le jeu de la vie était aussi « divin » qu’on le disait.

« Tomozaki-kun, tu ne comprends vraiment pas. Je te l’ai déjà dit, les règles
s’entrecroisent de manière complexe. Elles ne sont pas si faciles à enseigner. »

« Tu ne peux pas m’apprendre ? C’est quoi ce bordel ? Pourquoi as-tu changé d’avis tout
à coup ? »

« …Ok, réfléchis à ça. Quand tu achètes un nouveau jeu et que tu le ramènes chez toi,
est-ce que tu t’améliores en lisant le manuel d’instruction ? »

« Qu’est-ce que ça a à voir avec ça ? »

« Réponds simplement à la question. »

« …Non. Je veux dire, je lis les instructions, mais pour devenir bon, il faut jouer. Sinon, tu
ne comprends pas ce dont il s’agit vraiment. »

« Exactement. C’est la même chose. »

« La même chose ? »

« On ne maîtrise pas un jeu en lisant le mode d’emploi. C’est pareil pour la vraie vie. »

Comme dans la vie réelle ? Je réfléchis à cette question pendant une seconde, mais
avant que je ne puisse répondre, Hinami recommença à parler.

« En général, tu essaies de jouer à de nouveaux jeux sans lire la majeure partie des
instructions, n’est-ce pas ? »

J’hochai la tête.

« C’est la même chose dans la vie. Tu ne deviendras pas bon sans jouer. »

…Cela ne semblait pas correct. Après tout, j’avais joué toute ma vie.

« Attends une seconde. Si je suis comme je suis, c’est parce que j’ai échoué toute ma
vie. »

« Exactement. Et quand tu as des problèmes dans un jeu, que fais-tu ? »

« Dans un jeu ? Eh bien, ça dépend du type de jeu… mais je peux monter en niveau,
m’entraîner, regarder des sites de stratégie… C’est à peu près tout… »

« Tu parles comme nanashi lui-même. C’est correct. »

« Et ? »

« Tu peux faire tout cela dans la vie également. C’est l’essence du jeu. » Elle sourit.

« …Attends une seconde — Non, je comprends ce que tu dis. Je dois monter en niveau,
faire un effort ? Je suppose que c’est la seule option. »

« Exact. »

« Mais ça ne marche pas aussi bien dans la vraie vie que dans les jeux. Tu peux essayer
jusqu’à ce que ton visage soit tout rouge, ça ne fera pas de différence. Les limites sont
fixées au démarrage, et tu ne peux pas les contourner. C’est une configuration de merde
dans n’importe quel jeu, y compris la vie. Mais tu ne comprendrais probablement pas …
Après tout, tu es un personnage de haut niveau. »

« Tu comprends vraiment ? »

« Comprendre quoi ? »

« Monter en niveau signifie s’améliorer. Il s’agit d’augmenter tes capacités de base, de ton
apparence à tes attributs intérieurs. Pratiquer signifie améliorer les compétences dont tu
as besoin pour avancer dans le monde — en d’autres termes, polir les capacités plus
concrètes et pratiques. Fais ces deux choses et tu surmonteras la plupart des obstacles
de la vie. »

« …D’accord, je comprends ce que tu essaies de dire, mais ce n’est pas si facile. Quand
on est au plus bas comme moi, il y a des tonnes de problèmes impossibles à résoudre
quand il s’agit de monter de niveau ou de s’entraîner. »

« Uh-huh. En laissant de côté la question de savoir si tu as déjà essayé, je dois admettre
que c’est parfois vrai. »

« Donc tu l’admets ? Alors je suis condamné ? »

« Ces problèmes apparemment impossibles sont ce qu’on pourrait appeler les ‘niveaux
difficiles’ de la vie, et il y a des moyens de les gérer. Tu l’as déjà dit. Monter en puissance,
s’entraîner… et encore une chose. »

Ce serait…

« Oh. »

« Ouais. Les sites de stratégie. »

« …Qu’est-ce qu’un site de stratégie dans la vraie vie ? Des livres de développement
personnel ou des livres pratiques ? Tu veux dire que je peux trouver une solution juste en
lisant ces livres ? »

« Oh là là, » dit Hinami en riant. « Eh bien, je suppose que ça pourrait aussi marcher. Mais
il n’y a qu’un seul site de stratégie au monde dont l’efficacité est garantie à cent pour cent
si tu suis ce qu’il dit. »

« De quoi tu parles ? C’est trop facile, pas possible. »

« C’est vrai. Bien que je n’en connaisse qu’un seul. »

« …Alors c’est quoi ? Où puis-je le trouver ? »

« Eh bien…, » dit Hinami en tapant lentement deux fois sur sa tête avec son index.

« Juste ici. »

Son ton était enjoué, et son expression débordante de confiance. Elle aurait aussi bien pu
dire « Évidemment ! »

« …Je n’ai rien. Ton assurance, c’est autre chose. »

Je ne pus pas m’empêcher de rire. C’était étonnement rafraîchissant de prendre un coup
aussi net.

« Naturellement ? J’ai dû faire le jeu par nécessité jusqu’à présent. Je me suis enfoncée
toutes les relations de cause à effet dans la tête. »

Ça avait un peu de sens, mais pas vraiment.

« Cause et effet hein ? …Ce sont les règles de la vie dont tu parles ? »

« Exactement. »

« Hmm… »

La règle pour la vie que je connais est que les joueurs de haut niveau obtiennent les
avantages et que ceux de bas niveau sont exploités. Tout le monde déteste les
anticonformistes et les lâches, et blesser les autres vous fait parâtre fort. Le jeu de la vie
est merdique parce que ces règles de merde sont tout ce qu’il y a. Mais cette fille se
vantait que la vie avait d’autres règles — des règles qui pouvaient le transformer en un
grand jeu.

Elle avait obtenu de vrais résultats, et c’était persuasif. Sa vision de base du monde était
proche de la mienne, donc c’était quelque chose que je pouvais accepter. Je commençais
à penser que je pourrais tout aussi bien me lancer, prendre le jeu de la vie au sérieux.

Mais non. Elle avait tort. Plus j’y pensais, plus je me disais qu’on ne se comprendrais
probablement jamais. Après tout, c’est toujours comme ça que les choses se terminent
avec ce genre de personnes.

Je lui posai dont une question en guise de test.

« …Disons que la vie est de niveau divin. Laisse-moi te demander ceci : où se situe-t-elle
par rapport au reste du palier, parmi les autres jeux ? »

C’est le cœur du problème. C’est le fossé entre les gens qui jouent au jeu de la vie est
moi.

« Bien comment ? …Eh bien, pour autant que je sache… » Elle leva les yeux, brièvement
hésitante. « De loin le meilleur je dirais. »

Vous voyez ça ?

C’est de ça que je parle. En fin de compte, les gens qui disent que la vie est le G.O.A.T.
regardent juste de haut tous les autres jeux. Ils prétendent comparer la vie à un jeu quand
ça les arrange, mais en fait ils la considèrent comme quelque chose de spécial et de
supérieur. Ils supposent que les autres jeux ne valent rien dès le départ et ne comparent la
vie qu’après s’être moqué de toues les autres.

Et cette fille faisait la même chose. Déçu, je pris mon sac sans dire un mot et je me
préparai à me lever.

Juste à ce moment, elle se remit à parler.

« En fait… maintenant que j’y pense, c’est assez serré avec Atafami. »

Sa voix était si naturelle qu’elle me prit au dépourvu, et si innocente que la révélation était
anti-climatique.

« Quoi ? »

« Ouais. J’ai hésité pendant une minute, mais j’ai décidé qu’il est impossible de dire lequel
est le meilleur. Je veux dire, idéalement, je pourrais dire que la vie est meilleure, mais …
malheureusement c’est une égalité. »

J’étais abasourdi. Une égalité pour la première place ? Entre la vie et Atafami ?

Elle a vraiment dit ça ? L’ultime normie Aoi Hinami ?

« Tu es déçu ? Après tout, tu as déjà maîtrisé Atafami. Ça ne vaut peut-être pas la peine
d’essayer un autre jeu qui n’est pas plus amusant. »

« …Tu… »

Déçu ? C’est dingue. En dépit de moi-même —

« Oui, c’est logique, » poursuivit Hinami en marmonnant rapidement. « Tu es déjà le
meilleur dans l’un des meilleurs jeux… ce qui signifie que je dois t’offrir quelque chose
d’encore plus précieux… Mince, j’ai foiré. J’agis toujours avant de penser quand il s’agit
d’Atafami. Je dois vraiment m’améliorer à ce sujet… »

Elle me regarda à nouveau.

« Bon, j’ai bien dit que le choix t’appartenait, et ce que tu décides n’a pas d’importance. Ce
serait mal de gagner ta confiance en te mentant, donc je suppose que c’est tout. »

« Je… »

Je faillis dire ce que je pensais, mais je me repris. Jusqu’à présent, j’avais joué à Atafami
parce que je le voulais, sans que personne ne le sache. Je voulais vraiment m’améliorer,
et le succès me donnait un sentiment de bonheur. C’était amusant, et c’était suffisant.

Mais j’avais aussi réalisé que je n’avais aucune chance d’obtenir l’approbation de qui que
ce soit. Tout ce que j’obtiendrais, ce sont des éloges sur Internet. Je n’avais pas d’amis
joueurs, mes parents ne m’ont jamais encouragé à le faire et cela ne m’a pas rendu
populaire à l’école. Je suis mauvais en sport, je n’ai pas de petite amie, évidemment. En
attendant je passais mon temps sur Atafami et j’obtenais des résultats pour moi et moi
seul. C’était vraiment suffisant. Je ne pensais pas avoir besoin de l’approbation de
quelqu’un.

Mais maintenant cette fille — la plus forte que je connaisse — disait que la vie et Atafami
étaient au même niveau. En d’autres termes, elle disait que Atafami avait autant de valeur
que la vie, et elle le disait comme un fait évident.

Cela venait de la fille qui connaissait la vie mieux que quiconque.

Bien sûr, l’émotion que je ressentais était contradictoire. J’avais toujours pensé que la vie
était un jeu de merde. La chose logique aurait été pour moi de dire qu’Atafami était bien
plus amusant. C’est le meilleur jeu qui existe, aurais-je dû dire. Ne le compare pas à de la
merde, arrête de faire l’idiote.

Mais maintenant, cette fille qui était meilleure que tous ceux que je connaissais à la vie —
le jeu le plus accepté dans le monde réel — me disait qu’Atafami avait la même valeur. Je
ne savais pas quoi en penser.

Je ne pensais pas que ça importait que quelqu’un approuve mes efforts. Ce qui est bien,
car personne ne l’a fait. Cet effort était fait par moi, pour moi, et je ne pensais pas que ça
me dérangerait. Je pensais même que ce serait mal si ça me dérangeait. Mais
maintenant…

Aussi incroyable que cela puisse paraître, quelqu’un m’affirmait.

« C’est quoi cette expression ? »

« …Je… » Je baissai les yeux, essayant de cacher mes sentiments.

« Tout ce qui a des règles et un jeu à mon avis. Tant qu’il y a des règles et des résultats
basés dessus, c’est un jeu. »

Aoi Hinami attendit tranquillement que je continue.

« Si c’est vrai, alors la vie est un jeu. Si ses règles sont simples, élégantes et profondes,
c’est l’un des meilleurs. Sinon, c’est de la camelote… Tu es d’accord avec moi là-dessus,
non ? »

« Oui, absolument. La vie a des règles, ce qui en fait un vrai jeu. Et .. parce que des règles
sont simples, élégantes et profondes, c’est un grand jeu. »

« …Ok, je comprends. » Je levai les yeux au ciel. « Dans ce cas… »

« Oui ? »

Je rencontrai les yeux d’Hinami.

« La joueur en moi veut jouer. »

La surprise colora le visage d’Hinami. Je ne sais pas quelle expression j’arborais quand je
dis cela, mais ça devait être suffisant pour la prendre au dépourvu.

« Cependant, cela ne veut pas dire que je crois tout ce que tu as dit. » Je m’adressais à la
joueuse en face de moi.

« Le jeu est juste sous nos yeux. C’est un défi, mais tout le monde y participe, donc il y a
beaucoup de joueurs. Je n’ai joué qu’un peu avant de décider que c’était de la merde,
mais maintenant, j’ai entendu d’une source fiable que c’est en fait génial. Une des
meilleurs joueuses est là et me dit qu’elle va m’apprendre des stratégies de haut niveau.
Alors… »

J’ignorai la stupéfaction sur le visage d’Hinami et continuai à parler.

« Il n’y a aucune raison de ne pas jouer à ce jeu. »

Quand je finis de parler, je levai les yeux. La stupéfaite Hinami avait disparu et NO NAME
se tenait à sa place avec un sourire excité.

« …Un discours digne de nanashi. »

« Que puis-je dire ? »

« Tu me fais confiance maintenant ? »

« Pas du tout. Je ne te ferai pas confiance tant que je n’aurai pas joué par moi-même et vu
si c’est vraiment le meilleur jeu. »

C’était vrai. Je n’étais pas encore prêt à lui faire confiance. Mais, comme moi, elle pensait
comme un joueur, et elle donnait une chance aux autre jeux quand elle disait que la vie
était l’un des meilleurs. Après tout, c’était aussi bien Atafami selon elle. Ça ne ferait pas de
mal de l’essayer.

« Mais c’est comme ça que ça se passe avec les jeux. On ne peut pas juger tant qu’on n’a
pas joué. Et si on veut jouer, il faut le faire sérieusement dès le début, sinon ça ne sert à
rien. Je ne veux pas finir par me trouver des excuses. »

« Tout à fait, » dit Hinami en hochant la tête et en souriant.

« Alors je vais essayer. Je vais jouer pour pouvoir battre le jeu comme un vrai normie,
mais je ne prendrai pas de raccourcis. Qu’est-ce que tu en dis ? »

Hinami hocha la tête, comme pour dire « Bien sûr ! »

« Très bien alors. Par où je commence ? »

« Oh, j’aime ton attitude. »

Pour une raison quelconque, elle avait l’air vraiment heureuse. Elle se leva, alla vers son
bureau et commença à fouiller.

« Qu’est-ce que tu fais ? »

« La vie est un jeu qui te donne beaucoup de liberté. »

« Hein ? Bon, d’accord, mais… »

« Et quand tu as beaucoup de liberté, que fais-tu en premier ? »

« Hum… »

La liberté ? Est-ce qu’elle parle de ces jeux où tu peux voler une voiture et tuer des gens,
ou courir tout nu en dévalisant les magasins ? Si je pensais à ce qu’ils avaient en
commun…

« Tu crées ton personnage. »

« Tout à démon, » dit-elle avec un visage impassible en me pointant du doigt.

« Hein ? Qu’est-ce que tu as dit ? Tout à démon ? »

« La première chose que tu fais est de créer ton personnage. »

« Non, qu’est-ce que tu as dit avant ça ? »

« …Qu’est-ce que tu veux dire ? Tu dois te faire des idées, » dit-elle sèchement en
détournant le regard.

Qu’est-ce qui se passe ? Quelque chose dans cette histoire me semblait familier.

Plus important encore, pourquoi a-t-elle dit que je me faisais des idées ? Je commençai à
protester, mais elle m’ignora… Mieux vaut passer à autre chose.

« …Alors, création de personnage ? »

« Oui. »

Maintenant, elle avait l’air calme et paisible, comme si rien ne s’était passé. Je ne l’avais
pas eue. Peu importe.

« Mais mon personnage est déjà complet… Et bon sang, il est moche. Ha-ha. »

« Tu abandonnes trop facilement. Utilise ça. »

Elle ignora ma tentative de blague et sortit un truc blanc du tiroir.

C’était… Attends une seconde !

« …Oh bon sang. Tu ne vas pas me suggérer de me cacher derrière ça tout le temps,
si ? »

« Nope. Il y a une meilleure façon de l’utiliser. »

Dans sa main droite, elle tenait un masque, le genre que les gens mettaient sur la bouche
et le nez pendant la saison des allergies.

* * *

« …Je suis rentré… »

En rentrant chez moi, je prononçai le salut standard, mais pas trop fort puisque je le disais
plus par habitude que pour informer quelqu’un en particulier. Je dus passer par le salon
pour aller dans ma chambre, c’est là que ma mère remarqua que j’avais l’air différent par
rapport à d’habitude.

« Fumiya, tu as attrapé un rhume ? »

« Uh, um, uh-huh. »

Je n’en avais pas, mais je ne pouvais pas expliquer ce qui se passait, alors je fis de vague
bruits d’acquiescement.

« Si tu as besoin d’un masque, tu aurais pu demander. Tu l’as acheté toi-même ? »

« Euh, non, mon ami me l’a donné parce que je lui ai dit être enrhumé. »

« Oh vraiment ? »

Elle avait l’air à moitié surprise, à moitié impressionnée. Elle n’eut pas besoin de le dire :
Oh, tu as un ami assez proche pour te donner un masque gratuitement ? Appelez ça le
lien entre parent et enfant.

« Quoi qu’il en soit, bon retour parmi nous. Le dîner est presque prêt, alors vas-y et — »

« Je sais, je sais. »

Elle dit toujours la même chose quand je rentre à la maison. Prends un bain avant le dîner.
Je l’ai coupé au milieu de sa phrase et je me dirigeai vers la salle de bain.

« Oh attends, en fait… »

Bang !

« Ok ! »

J’ouvris la porte et tombai sur ma petite-sœur en sous-vêtements, j’étais tellement énervé
que je répondis à une question que personne n’avait posé.

« Ewww, t’es tellement un obsédé, Fumiya. »

Elle m’ignora et tira froidement sur son sweat, sans paraître particulièrement surprise.
C’était son sweat noir, duveteux et trop grand. Son soutien-gorge noir étiré, qui n’était pas
de la bonne taille pour sa modeste poitrine, disparaissait en dessous.

« Je sais que tu mens. »

« Huh ? »

Tout en lançant son accusation abrupte et énigmatique, elle se retourna vers moi, ne
portant que son sweat et une culotte. Et si tu mettais un pantalon ?

« Ça. » Elle pointa le doigts sur la moitié inférieure de mon visage.

« Le masque ? »

« Tu as dit que ton ami te l’avait donné. »

« Uh-huh. » Je sais où ça va mener.

« Tu n’as pas d’amis qui te donnerait un masque. »

« Hey… »

C’est juste l’un des inconvénients d’avoir une sœur qui est d’un an plus jeune que toi dans
le même lycée.

« Tu ne devrais pas dire de mensonges si évidents. »

Elle est en première année, mais on ne devinerait jamais que nous sommes apparentés à
cause de sa très belle apparence et de sa personnalité brillante, qui lui ont valu de

nombreux amis plus âgés dans ma classe. Grâce à cela, elle entend, apparemment, des
bribes d’informations sur moi. Pourtant, je ne vois pas pourquoi je devrais écouter ma
petite sœur me faire la leçon sur l’étiquette du mensonge.

« Hé, moi aussi je connais quelqu’un. »

Après tout, quelqu’un m’avais donné le masque, donc je ne mentais pas.

« Ok, qui ? Qui te l’a donné ? »

« Pourquoi je devrais te le dire ? »

« Tu vois ? Tu ne veux pas me le dire, donc tu dois mentir. »

Ugh. « Aoi Hinami. »

Ma sœur me regarda dans les yeux. Je ne mens pas ma fille. Je t’ai eu !

Pour une raison quelconque, elle soupira.

« Pourquoi ce soupir ? »

« Écoute, ce n’est pas une amie. » Elle avait l’air exaspérée. « Si elle t’a donné un
masque, c’est parce que c’est un ange. Tu comprends ? » Elle est gentille avec tout le
monde. Il ne s’agit pas d’être amis… c’est juste une très bonne camarade de classe. »

On aurait dit qu’elle faisait la leçon à un enfant par pitié. De toute façon, je ne voyais pas
Aoi Hinami comme une amie. Si c’était le cas, elle était plus comme un compagnon de
guerre. Et un ange ? Pas du tout. Une valkyrie peut-être, mais pas un ange.

« Ne le prends pas mal et ne tombe pas amoureux d’elle ou autre. Tu me ferais honte. »

« Tu crois que je tomberais amoureux de quelqu’un d’aussi grossier ? »

« …Huh ? Quoi ? »

« Rien. »

« Argh ! Tu marmonnes, et puis avec ce masque, je ne comprends rien à ce que tu dis ! »

Avec ça, elle arracha le masque de mon visage. Merde.

« …Honnêtement, je ne comprends pas. C’est si effrayant, » dit-elle en me poussant de
manière grincheuse… Pas étonnant. « Je ne comprends vraiment pas, » a-t-elle encore
dit.

Dans le miroir, ce sale type avait un rictus si large qu’il était presque trop grand pour le
masque.

* * *

Je regardai le masque dans la main d’Hinami, confus.

« A quoi ça me sert à part cacher une partie de mon visage ? …Aussi… »

J’étais encore plus confus par l’endroit où nous étions que par le masque.

« …Pourquoi m’as-tu fait venir ici ? »

Après qu’Hinami ait sorti le masque de son tiroir, elle me demanda de venir avec elle pour
la deuxième fois de la journée, m’attrapa le bras et me traîna dans un restaurant de pâtes
près de chez elle.

« Nous allons l’utiliser pour cacher ton visage, mais la partie la plus importante est ce que
tu feras après ça. »

Ce que je ferais après ça ? …Mais ce n’est pas ce que je voulais savoir.

« Non, attends une seconde, je te demande pourquoi on est venu dans ce restaurant d’un
coup ? »

« Oh regarde, le voilà. » Elle ignora ma question confuse alors que le serveur nous
apportait de la nourriture.

« Voilà. Des pâtes à la japonaise avec des champignons et une carbonara aux trois
fromages. »

Il posa la carbonara devant Hinami et les pâtes aux champignons devant moi.

« Allez, réponds à ma question. »

« Cet endroit est vraiment bien. »

Elle sourit, nageant dans un bonheur total. Elle était obligée de sourire comme ça ? C’était
totalement mignon.

« …Ce n’est pas de ça que je parle. »

« Écoute juste une minute, » dit-elle avec un soupir en montrant sa bouche. Elle faisait le
même tour qu’avant, passant de sa belle personnalité à celle ordinaire.

« Oooh. » Clignement clignement. « Non, vraiment, qu’est-ce qui se passe ?! »

« Tu es vraiment têtu. J’avais juste faim, ok ? »

Elle prit une bouchée de sa carbonara. Je la regardai enrouler les pâtes autour de la
fourchette, l’arc de cercle aller jusqu’à sa bouche, puis sa bouche s’ouvrir légèrement pour
accepter le rouleau de nouilles avant qu’elle en retire la fourchette vide à nouveau.
Chaque mouvement était gracieux, beau, charmant et sexy. Je ne pus m’empêcher de
suivre sa langue des yeux alors quelle balayait la sauce qui s’accrochait aux coins de sa
bouche.

« …Tellement bon ! » murmura-t-elle doucement avec un sourire innocent.

Elle était vraiment follement mignonne.

« En d’autres termes… tout est dans l’expression. »

L’expression ? « Tu veux dire ton sourire à l’instant ? »

« Huh ? Mon sourire à l’instant ? »

« Oh, hum, peu importe. »

Elle était si mignonne que j’avais accidentellement mis les pieds dans le plat.
Heureusement, Hinami continua de parler comme si elle n’avait pas vraiment remarqué.

« Tu m’écoutes ? C’est ma bouche de jolie fille. »

Je regardai de plus près. Les coins de sa bouche étaient légèrement relevés, et ses joues
semblaient plus fermes en conséquence. Elle était incontestablement attirante. Abordable
aussi. Mais en le regardant, je remarquai autre chose. Je n’arrive pas à mettre le doigt
dessus. Ça doit être son côté mignon. Quand je faisais attention à ça, je ne pouvais pas la
regarder dans les yeux.

« Et voici ma bouche pas jolie. »

La fougue disparut de son visage. En regardant de plus près, je remarquai que sa bouche
était tombante et que son front s’affaissait. Des rides s’étaient même formées autour de
son nez. Elle n’était pas laide, juste à la limite entre belle et pas belle.

« Ooo. »

Clignement, clignement.

« Pourquoi tu fais ‘ooo’. T’as l’air stupide. Ce n’est pas le moment d’avoir l’air
impressionné. »

« …Ah oui. » Je me sentis un peu intimidé. Ouais, peut-être pas si mignonne.

« Tu as compris ? »

Elle sourit.

« C’est à ça que je ressemble tous les jours. »

Elle détendit sa bouche.

« Et c’est à ça que tu ressembles. »

« J-je suis vraiment comme ça ? »

Elle m’avait pris au dépourvu. Je ne pensais pas que je me promenais en souriant tout le
temps, mais n’était-ce pas un peu exagéré de me comparer au mauvais exemple ?

« Oui, tu l’es. »

Comme si elle s’attendait à ma réaction, elle me jeta un miroir au visage. Je vis mes joues
tombantes dans le reflet.

« …Oh. »

« Tu vois maintenant ? » Oui, malheureusement. « …Apparemment oui. »

« Je ne pense toujours pas que cela fasse une grande différence. Les coins de ma bouche
ne sont pas les seules choses moches. »

« Tu aimes bien répondre. »

« Tu t’attends à quoi ? Ça fait seize ans que je pense à ce genre de choses. »

« Pour l’instant, laissons ta laideur de côté. »

C’était gentil de sa part. Parfois, elle pouvait être étonnement gentille.

« Je pense que tu ne comprends pas l’importance de la bouche, » poursuivit-elle.

« C’est important ? »

« Oui. »

Elle avait commencé à prendre des bouchées de pâtes entre ses phrases et je suivis son
exemple. Oh wow, c’est bon. Follement bon. C’est quoi cet endroit ? C’est incroyable.

L’arôme de la sauce soja se mêlant au beurre parfaitement bruni atteignit mon nez et fit
mouche. Je pris une bouchée, appréciant la combinaison de la graisse suintant du bacon
et de la saveur des champignons sur ma langue. Les riches saveurs se répandaient en
moi tandis que ma bouche appréciait la texture élastique des nouilles.

« …C’est…tellement bon… ! »

Je n’avais aucune idée que des pâtes aussi bonnes existaient… Merci, Hinami…

Je la regardai, essayant de lui faire comprendre silencieusement combien j’étais
impressionné et reconnaissant. Ses yeux était embués d’une intense cupidité.

« Alors le tien est bon aussi, hein ? » dit-elle calmement, ses yeux papillonnant de mon
visage à mes pâtes et inversement.

Hum, donc… Même quelqu’un avec un un blocage de communication pourrait trouver quoi
faire dans cette situation.

« …Tu veux un morceau ? »

Elle ouvrit grand les yeux et un un visage un peu trop mignon pour être regardée
directement.

« Merci ! Bien sûr ! » dit-elle en plantant sa fourchette dans mes pâtes et en la faisant
tourner. Elle les porta à sa bouche et les engloutit. Son expression enchantée était
pratiquement un bonheur charnel.

Juste avant que je puisse tomber complètement sous son charme, je réalisai tardivement
ce qui s’était passé.

« Aaah !!! »

« Quoi ? » demanda Hinami avec confusion.

Attends. Ce n’était pas — ? Est-ce que nos bouches ne se sont pas juste
indirectement — tu sais ? Ce n’est pas ce qui vient de se passer… ?!

« Non, je veux dire, tu… C’était… un baiser… indirect… »

Je fis un gros effort pour cracher les mots, mais Hinami leva les sourcils avec dédain.

« Aller. Peut-être si on partageait une bouteille d’eau ou autre, mais personne ne
s’inquiète de ce genre de choses après le collège. »

« Vraiment ? Oh, hum, les gens ne s’inquiètent généralement pas de ça… ? »

« Ouais. Bref, comme je le disais, » elle continua, ignorant mon choc et adoptant une
attitude professionnelle.

« Imagine que deux hommes portant des lunettes de soleil sont entrain de discuter. Leurs
yeux et leurs sourcils sont cachés. Tu ne peux pas entendre ce qu’ils disent, mais tu peux
les voir. »

« De quoi tu parles maintenant ? »

J’étais encore contrarié par le baiser indirect, mais bon sang, ces pâtes étaient bonnes.

« L’un est normal, et l’autre pas. Tu crois pouvoir les reconnaître rien qu’à leur
apparence ? »

On parle encore de bouches ? Voyons voir, deux hommes portant des lunettes de
soleil…

« Euh… eh bien, je suppose que si je les voyais, je pourrais le deviner –- Mon Dieu, c’est
bon — à partir de leurs cheveux ou de la façon dont ils agissent ou de leurs vêtements, »
ai-je dit entre deux bouchées de mon plat de pâtes paradisiaques.

« Et s’ils avaient tous les deux des coupes rases et des costumes ? »

Coupes rases et costumes… J’essayai de l’imaginer. Deux gars avec des coupes rases
portant des lunettes de soleil… grignoter, grignoter… se parler.

« Je pense que je serais toujours capable de le dire. »

Hinami hocha la tête. « C’est vrai. Mêmes cheveux, et sourcils cachés. En gros, on peut
toujours dire qui est qui. C’est étrange, non ? »

« Je suppose que oui. C’est délicieux au fait. C’est un peu étrange. »

« Pourquoi penses-tu pouvoir les différencier ? ….Voici la réponse. »

Elle montra sa bouche. Pas possible.

« …Pâtes ? »

« Idiot. »

Ouais, c’était stupide. Désolé.

« …Expression faciale ? »

« C’est ça. »

« Uh-huh… »

« Comme je te l’ai déjà montré, ton expression, en particulier ta bouche, fait une énorme
différence dans l’impression que les gens ont de toi. Ils la perçoivent inconsciemment et
l’utilisent pour juger ta personnalité. »

Oui, je suppose.

« Ça semble assez raisonnable, » dis-je avant de réaliser soudainement quelque chose.
« Mais attends une seconde. C’est pour ça que tu souris tout le temps ? » Je ne pus pas
m’empêcher d’enfoncer une autre cuillerée de pâtes dans ma bouche.

« En quelque sorte. Tu as à moitié raison, à moitié tort. »

« A moitié ? »

« Au début, je faisais un effort conscient pour sourire, mais comme mes muscles se sont
développée, ça a commencé à se faire naturellement. Ouais, c’est bon… Ça m’a,
cependant, pris quelques mois pour en arriver là. »

« Quelques mois… »

Tant d’efforts se cachaient derrière cette apparence amicale. « Bref, tu dis que les muscles
du visage et de la bouche sont importants, non ? … Mais à quoi sert le masque ? Si je
cache ma bouche, ne vais-je pas perdre tous les avantages ? »

« C’est comme la musculation. »

« Hein ? »

« la musculation. Ce sont des muscles, dont si tu veux les développer, tu dois t’entraîner. »

« …De quoi tu parles ? » demandai-je perplexe.

Hinami poussa un paquet de trente masques contre ma poitrine. « Pendant le mois qui
vient, chaque fois que tu ne manges pas ou ne dors pas — quand tu sors, quand tu es en
classe, quand tu parles à quelqu’un — je veux que tu aies un énorme sourire sur le visage
sous ce masque, tout le temps. »

« …Quoi ?! Sérieusement ? Pendant tout ce temps ? » demandai-je déconcerté, en lui
prenant les masques.

« Évidemment. Nous n’avons pas l’éternité devant nous. Je veux que tu aies fini dans un
mois. »

Hinami se rassit. D’une manière ou d’une autre, son assiette était déjà vide.

« Hé, tu as dit que ça t’avait pris deux mois. Pourquoi je ne peux pas aller au même
rythme ? »

« Ne sois pas stupide. Tu n’atteindras jamais ton but. »

« Mon but ? » C’était la première fois que je l’entendais dire ce mot. « Devenir un
normie ? »

« Tu ne sais pas comment ça marche ? Quand on commence à travailler pour quelque
chose, il es important d’avoir un grand objectif à long terme, mais il faut aussi des objectifs
à moyen et à court terme. »

« …Oh. Oui, quand je jouais à Atafami, je m’étais fixé ce genre d’objectifs. »

« Toi plus que quiconque devrait savoir ça. »

« …Oui, je suppose que je le sais. »

« C’est ce que je pensais. Tu apprends ça vite. »

Quand je veux atteindre un grand objectif, je progresse beaucoup plus facilement que si
j’ai un tas de petits objectifs à atteindre. Plutôt si j’en ai pas, alors je ne sais pas comment
avancer, et alors ma motivation disparaît. En tout cas, ça a été le cas lorsque je maîtrisais
de différents jeux.

Et comme la vie est un jeu, je devrais adopter la même approche.

« Tu vas avancer en te fixant une série de petits, moyens et grands objectifs. »

« Donc je dois penser que mon grand objectif est de devenir un normie ? »

« Oui. Bien sûr, il y a différents niveaux de normalité, ton objectif final doit être d’atteindre
mon niveau. »

« Ce n’est pas… un peu trop dur ? »

« J’admets que c’est un long chemin à parcourir, du plus grand solitaire de l’école au plus
brillant dans le monde réel. Mais si tu fais exactement ce que je te dis, ce n’est pas
impossible. »

…Sérieusement ?

« Bon d’accord… Et qu’en est-il de mes petits et moyens objectifs ? »

« Bien. Je vais d’abord te dire tes petits objectifs. »

Glup.

« Faire en sorte que ta famille ou tes amis proches te demandent si tu as une petite
amie. »

…Hein ?

« Qu’est-ce que tu veux dire ? »

« Ce que j’ai dit. »

« Hein ? »

Hinami me regarda, clairement agacée par ma confusion. « Bon sang… Tu es si rapide
pour comprendre Atafami et si lent quand il s’agit de la vraie vie. »

Elle tourna les paumes vers le haut et poussa un soupir exagéré.

« Ce ne sont pas tes affaires, » répondis-je.

« On peut continuer ? Je parle des changements de surface si importants que les gens
autour de toi les remarquent et t’interroge à leur sujet. »

Hmm… des changements de surface assez importants pour les les gens les
remarquent et demandent ?

« …Et ils doivent demander si j’ai une petite amie ? »

« Oh bon sang. Peu importe quoi exactement ; ça peut être ‘J’ai failli ne pas te reconnaître
pendant une seconde’ ou ‘Bon sang, tu as bien changé !’. Le fait est que tu as franchi le
niveau une fois que les gens commencent à dire qu’ils remarquent un grand changement
en toi. »

« Je… je vois. »

« la partie concernant les autres personnes qui disent quelque chose est importante. Il ne
suffit pas que tu penses avoir beaucoup changé. »

« Um-hmm. »

« Cela signifie que tu dois arriver à un point où les gens te regardent objectivement et
voient une nette amélioration dans ton apparence. Dans l’aura que tu dégages. »

« J’ai compris. »

Hinami était agacée, je voyais le pli entre ses sourcils.

« D-désolé… mais comment puis-je savoir… »

« Savoir quoi ? »

« Même si les gens autour de moi disent quelque chose, comment puis-je savoir que j’ai
vraiment réussi ? »

« …Tu ne peux même pas prendre cette décision toi-même ? »

« D-désolé. »

« …Bien. Si quelqu’un te dit quelque chose, répète-le moi mot pour mot et je déciderait si
ça compte. »

« O-okay. »

Un sentiment de réticence et de honte m’envahit.

« Une fois que tu auras atteint cet objectif, je te donnerai le petit objectif suivant. Cela
dépendra de tes résultats à ce moment-là. Et pour ce qui est de l’objectif intermédiaire…
eh bien, c’est un objectif simple. »

Elle souriait.

« Avoir une petite amie avant de commencer ta troisième année de lycée. »

Ma mâchoire se décrocha. Une petite amie ? Moi ? Le gars qui a été un loup solitaire
depuis le premier jour ? Elle devait supposer que je n’en avais pas déjà une parce que, eh
bien, je suis moi. Elle avait raison, bien sûr.

« Non. Non. Pas moyen. »

« Quoi ? »

« C’est beaucoup trop dur. »

« Qu’est-ce qui est trop dur ? » Elle n’avait pas l’ait de comprendre.

« Tu en comprends probablement pas parce qu’avoir un petit ami est facile pour toi, mais
pour ceux d’entre nous qui ne sont pas si populaires, c’est une chose folle à attendre. En
plus, on est déjà en juin, non ? Ce qui veut dire qu’il me reste moins d’un an ! C’est
totalement impossible ! »

Sans même le voir, je m’étais levé pour faire une conférence passionnée sur ma propre
impopularité. Le serveur, qui apportait notre thé, sourit en posant les soucoupes sur la
table. Hinami soupira de son siège. Mon Dieu, comme c’est embarrassant.

« Hein ?…Ok, laisse-moi te poser une question. »

Ses yeux étaient très, très froids.

« Euh, ok. »

« Quel est le pourcentage de gars en deuxième année de lycée qui ont une petite amie à
ton avis ? »

« Hum… Quoi, peut-être vingt ou trente pourcent ? »

« …Ok, alors au plus bas et disons dix pourcent. »

« Ok… » Où veut-elle en venir ?

« Comparons cela à un jeu vidéo pour t’aider à comprendre. On va dire Atafami. Tu es le
meilleur du Japon, non ? »

« Hum, je suppose. »

« Ok, alors imaginons qu’il y ait un débutant total qui veut maîtriser Atafami. C’est là que tu
interviens. » Elle me pointa du doigt d’un air sévère.

« Moi ? »

« Oui. Tu as un an pour donner à cette personne tous les conseils dont elle a besoin,
comme comment contrôler les personnages et comment s’entraîner. Il promet de faire
exactement ce que tu dis. »

« …Ok… »

« A ton avis, à quel point serait-il difficile de faire en sorte que cette personne fasse partie
des dix pourcent des meilleurs joueurs du Japon en un an ? »

Les dix premiers pourcent. Cela signifie un niveau sur dix, probablement le meilleur de sa
catégorie. Ce qui veut dire, eh bien…

« …Super… facile. »

« Tout à démon. »

« Hein ? »

« C’est facile, même si on fixe le chiffre à dix pourcent. En d’autres termes, si tu fais ce
que je dis, tu n’auras aucun problème à trouver une petite amie au moment où tu passeras
au niveau suivant, » expliqua-t-elle en parlant rapidement.

« Attends, qu’est-ce que tu as dit avant ça ? »

« …Tu imagines des choses. »

Huh ? Est-ce qu’elle se moque de moi ? Son visage était rouge. Est-ce qu’elle se
moque de moi et essaie de ne pas rire ? Je crois me souvenir avoir déjà entendu ces
mots auparavant…

« Concentrons-nous sur ce qui est important. Comprends-tu ce que je dis ? Ce n’est pas
un objectif très difficile. »

Ok, peut-être en terme de logique brute, mais…

« Mais Atafami et la vie sont différents. »

Cela me valut un autre soupir. « Tu veux bien arrêter de supposer des choses ? Tu es
peut-être un pro d’Atafami, mais tu es un amateur dans la vie. Si tu as l’intention
d’essayer, suis mon conseil. »

« …Désolé. Hum, tu as raison. »

Je m’inclinai devant elle et m’excusai. Après tout, c’est moi qui avait décidé de jouer. Elle
avait raison — je ne connaissais pas les règles de la vie et je ne savais pas comment
manipuler habilement les personnages. Une experte de haut niveau me disait quoi faire,
alors pour l’instant, je me suis dit que je ferais mieux d’obéir à ses instructions. C’est ce
qu’un joueur devrait faire. Je pourrais décider plus tard si la vie était le jeu divin qu’elle
disait être.

« Sais-tu où se trouve la salle de couture numéro 2 ? »

« Hein ? »

« Salle de couture numéro 2, dans l’ancienne école. Tu sais où c’est ? »

Oh, elle parlait de notre école… Ça me semblait familier. Je pensais m’en souvenir, je
pourrais probablement la trouver si j’allais dans l’ancien bâtiment.

« Ouais, en gros. »

« Bien. A partir de maintenant, va dans celle salle une demi-heure avant de début des
cours tous les jours, et encore une fois après les cours. »

« Pourquoi ? »

« Que je puisse te dire ce que tu dois faire ce jour-là, et plus tard, tu pourras faire un
rapport et réfléchir à ce que tu as fait. C’est évident. Que serait une formation sans essais
et erreurs ? Si on fait ça, on va le faire bien. »

Si on fait ça on va le faire bien. Eh bien… je pourrais être d’accord avec elle sur ce
point.

« …Compris. »

« Bien sûr, certains jours, l’un de nous aura des choses à faire, donc nous verrons au
moment venu ? Tu as mon adresse e-mail, n’est-ce pas ? »

« Oui. Mais je n’ai pratiquement jamais rien de prévu. Ha-ha. »

« …Ok, tu vas prendre ça au sérieux ou pas ? Dans quelques mois, tu auras des trucs à
faire après les cours. Tu es prêt pour ça ? »

Elle me regarda fixement. Attends, vraiment ?

« Sérieusement ? »

« Évidemment. »

Elle avait l’air super sûre d’elle. Si elle avait raison, ça serait plutôt cool.

« Je comprends. Je suis prêt. » J’inclinai légèrement ma tête.

« Oh, et… »

Soudain, elle eut l’ait agitée, et tout sa froideur disparut. Elle but son thé à petites gorgées
et regarda sur le côté.

« Huh ? Quoi ? »

Elle fit un petit saut, comme si elle avait été surprise. Quel était son problème ?

« Eh bien, euh, c’était officiellement une réunion hors ligne entre NO NAME et nanashi,
non ? »

Pourquoi es-tu si timide tout d’un coup ? « O-oui. Qu’est-ce qui ne va pas ? »

« Qu-qu’est-ce que tu veux dire, qu’est-ce qui ne va pas ?… Tu sais, c’est une réunion
hors ligne. »

« Quoi ? »

« Oh, aller ! » dit-elle, en ayant l’air beaucoup plus énervée que d’habitude. Elle baissa les
yeux pendant une seconde, prit une inspiration et établit un contact visuel si délibéré qu’il
semblait presque artificiel.

« Je veux dire, normalement, on s’échange pas des codes d’amis Atafami ? »

Elle m’avait regardé dans les yeux pendant toute notre conversation, mais là, ça
ressemblait à, je ne sais pas, une sorte de bluff. Comme si elle se forçait à me continuer
de me regarder parce que faire autrement serait admettre sa défaite.

Malgré son regard perçant et ses lèvres serrées, ses joues rougissaient progressivement.
Même quelqu’un avec de terribles compétences en communication comme moi pouvait
dire que ce n’était pas de la chaleur ou de la colère. Pourtant, cela ne signifie pas que je
savais comment répondre. Elle a bien dit tout à l’heure qu’elle s’énervait quand il s’agissait
d’Atafami, mais je ne savais pas ce c’était à ce point.

« C’est tout… On dirait que tu veux quelque chose. »

Je n’avais pas l’intention de donner un coup de pied dans le nid de frelons, alors je lui ai
simplement dit, « Peu importe, c’est bon » et nous échangeâmes nos codes d’amis.
Maintenant, nous pourrions jouer en tant qu’amis à tout moment.

Je n’oublierai jamais la façon dont elle rougissait, mais je savais que je ne devais pas trop
y penser.

Oh, et au fait, même le thé dans ce restaurant de pâtes était à tomber par terre.

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